Originalité - Le centre des loisirs scientifiques (place Audin) abrite une exposition atypique, mais ô combien révélatrice de talents. L'originalité de cette dernière consiste dans le principe même de son contenu – elle met en exergue un travail spontané, recherché, témoignant d'une imagination purement créative. Ce travail mené avec un geste méticuleux, soigné «va chercher loin dans la création à partir d'objets de récupération des idées aussi insolites comme ces collages sur toiles qu'esthétiques avec l'intention de pousser celui qui observe à la réflexion sur l'expression plastique». L'exposition, aussi bien épatante qu'inattendue, est collective et rassemble une douzaine de plasticiens pour la plupart issus de l'Ecole supérieure des beaux-arts et appartenant à trois générations distinctes, celles des années 70,80 ou encore 2000, elle s'étalera jusqu'au 31 janvier en cours. L'exposition «Recup'Art» est placée sous le générique «Recycle Art urbain». Elle regroupe un ensemble de sculptures, installations et peintures des plus étonnantes, des plus inventives, des plus originales. Kourdoughli Ahlem s'est illustrée dans une œuvre originale. Il s'agit d'une installation savamment imaginée. Son œuvre consiste en un assemblage de disques vinyl qui devient un joli paravent ou portière d'un salon branché années seventies. Bedidi Badredine, de son côté, a choisi de monter un petit dinosaure, et ce, à l'aide de morceaux de fer récupérés. Il a, en outre, composé d'une façon astucieuse un robot – ou armure de chevalier – fabriqué à l'aide de métaux découpés dans des pots à lait, cuillère et autres morceaux taillés dans des boîtes et autre ustensiles de cuisine. Mohamed Massen, passionné d'art moderne et de brocante qu'il fréquente d'ailleurs assidûment a, pour sa part, proposé une sculpture en ferraille représentant un couple, d'où le titre de l'œuvre «Duo». Chafa Fatima, une plasticienne, suggère à travers sa création une atmosphère lourde, pénible, lugubre, voire sinistre. Cette ambiance est suggérée par la composition de son œuvre, c'est-à-dire celle-ci est structurée d'un amas de poupées collées entres elles à l'aide de peinture à l'huile dorée. Toutes – elles symbolisent la condition de la femme arabe des plus désastreuses dans certains pays face à l'obscurantisme et au diktat masculin – sont imbriquées dans une situation inextricable. Bouzidi Omar propose, de son côté, des miniatures, exécutées par des feuilles séchées. D'autres, à l'instar de Bedidi Badreddine, Hamouche Leïla et Idjeri Yazed exposent des sculptures réalisées à partir d'éléments hétéroclites (clés, compteurs électriques, fils de fer...) agencés et repeints selon diverses techniques (aérosol, laque...). Autant d'artistes que de créations dévoilent des singularités dans l'imaginaire, des individualités dans la création, un sens de contemporanéité éclectique et relevant d'un surréalisme extraordinaire. Devant tant d'œuvres irrégulières, insolites, mais exceptionnelles, le visiteur est d'emblée fasciné, surpris par la manière dont chaque objet considéré comme un déchet, donc destiné à la poubelle est récupéré, habilement – avec beaucoup d'imagination et une sensibilité artistique – manipulé pour être transformé en une création, une œuvre d'art. Cet objet à qui des artistes talentueux donnent une seconde vie, un sens nouveau. L'art de la récupération, une alternative artistique Introduit au début du XXe siècle, l'art de la récupération s'est développé depuis en Europe et aux Etats-Unis où il compte de prestigieux représentants, à l'exemple de Marcel Duchamp, Daniel Spoerri, César... En Algérie, il est à ses premiers balbutiements. C'est un mode d'expression artistique qui a très peu d'adeptes. Rares sont ceux des artistes qui s'adonnent à ce genre de pratique. Et c'est dans ce sens que des plasticiens plaident, à l'instar de Guemroud Madjid, Badreddine Bedidi et Massen Mohamed, pour «la réappropriation de l'art de la récupération et pour sa vulgarisation à travers l'enseignement et la visibilité des œuvres dans l'espace public». Tous tiennent à rappeler «l'importance de la récupération de matériaux dans la confection d'œuvre d'arts et d'objets courants dans la culture africaine et dans l'histoire de l'art contemporain.» «L'utilisation, par nécessité matérielle, des déchets, présente dans toute l'Afrique, conviennent les plasticiens, a inspiré des artistes comme l'Espagnol Pablo Picasso et les Dadaïstes au début du 20e siècle, initiateurs de cette démarche dans l'art contemporain.» Pour eux, dans une société de plus en plus de consommation, «les œuvres conçues à partir d'assemblages de matériaux récupérés servent à faire passer un message lié à la préservation de l'environnement et assurent une participation de l'artiste à façonner l'espace public». Enfin, tous appellent à renforcer la discipline de la récupération dans l'éducation artistique des élèves.