Approche - Lorsqu'un écrivain se livre à l'écriture, il transmet, malgré lui, dans son imaginaire romanesque, des instants de sa vie, ses expériences personnelles, des tranches d'histoire. Le romancier fait partie de ce contexte sociohistorique qui le nourrit. Il en est imprégné, il est profondément influencé par le moment présent et les événements en cours. D'où la question : Y a-t-il un lien entre la littérature et l'Histoire ? Selon Sliman Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques, «le rapport existe en effet entre littérature et histoire». Ainsi, parler de créativité littéraire en liaison étroite avec l'histoire, c'est montrer d'emblée de quelle manière les écrivains s'adossent à l'histoire, s'y réfèrent, s'en inspire pour en faire un texte, voire un objet littéraire. Les écrivains s'appuient sur l'Histoire pour écrire leurs romans. Toutefois, «il n'est pas attendu du roman qu'il retrace la vérité historique, mais qu'il s'inspire de l'histoire quotidienne des gens, de l'histoire des peuples, des communautés et des sociétés. Il s'agit pour nous d'examiner ce qui est pris dans l'histoire pour faire le roman», tient à préciser Sliman Hachi. Notons que Rachid Boudjedra s'est intéressé à l'Histoire pour écrire ses romans, en s'y collant. Pareil pour Mouloud Mammeri qui accorde de l'importance à l'Histoire en mêlant à son imaginaire romanesque des tranches de vie, d'histoire. Il y aussi Kateb Yacine qui, dans Nedjma, donne un large écho à l'Histoire. Tous ces romans qui accordent une grande place à l'Histoire ne peuvent cependant constituer des textes historiques. Ces écrivains transforment ces événements historiques pour en faire du merveilleux. En d'autres termes, l'écrivain, romancier, dramaturge ou poète, a le talent de s'approprier un fait d'Histoire qui devient un matériau de création, de le transfigurer pour en faire quelque chose de sensible ; une émotion littéraire. Naget Khadda, universitaire, précise que «ces éléments, littérature et Histoire, sont assez distants, différents et à la fois constamment imbriqués l'un dans l'autre», et de souligner : «La conscience historique se nourrit de ce que lui donne la littérature qui travaille l'imaginaire. L'Histoire s'impose des règles, de la rigueur, de l'objectivité, alors que la littérature nous parle, certes, d'Histoire, mais avec subjectivité. On n'y découvre donc pas la réalité historique de façon objective. Car la littérature nous donne seulement une vision, une certaine connaissance historique que l'historien va récupérer pour la travailler et en faire une «matière historique». Se pencher sur le rapport littérature-histoire, c'est réfléchir à la façon d'élaborer «le récit national», c'est-à-dire que la littérature a un rôle à faire connaître la société. Puisque c'est dans le roman qu'est dite une société, qu'elle y est décrite, même si cela se fait selon les expériences personnelles de l'écrivain et selon le regard subjectif qu'il porte sur elle, suivant son rapport à elle, c'est-à-dire là où le romancier se situe pour parler de la société à laquelle il appartient. D'où l'intérêt d'encourager, de favoriser le dialogue entre littérature et Histoire afin d'avoir diverses approches pour la réalité sociale.