Haute sécurité - S'il est certain que les hommes politiques pakistanais ne se feront aucun cadeau sur la route des élections générales de mai, un sentiment les unit déjà : la peur de la violence. Dans un pays aux forces de sécurité débordées, où les armes abondent, miné par les attentats réguliers de groupes islamistes et des rivalités politiques, ethniques et religieuses explosives, le spectre de la violence hante les partis à l'approche des élections du 11 mai. Plus de cinq ans après l'assassinat de la chef du Parti du peuple pakistanais (PPP), Benazir Bhutto, le fantôme de l'ancienne Première ministre plane toujours sur la classe politique pakistanaise. Depuis cet attentat, la sécurité n'a cessé de se détériorer au Pakistan avec la montée en puissance des violences sectaires, de la «guérilla urbaine» dans la métropole Karachi (sud) et des attaques du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP, mouvement des talibans pakistanais). Ces insurgés favorables à l'instauration d'un Etat islamique multiplient les attaques contre les forces de sécurité, accusées d'être des supplétifs des Etats-Unis dans la «guerre contre le terrorisme», et les partis laïcs. Le TTP a déjà menacé le PPP, l'ANP, une formation laïque dotée d'appuis historiques au sein des Pachtounes, peuple majoritaire au sein des talibans, le MQM, première formation politique à Karachi, et l'ancien président Musharraf. Ce dernier, rentré dimanche d'exil afin de participer aux élections, a dû annuler un grand rassemblement à Karachi après les menaces explicites des talibans. L'ancien homme fort du Pakistan, au pouvoir de 1999 à 2008, a été limité à une brève déclaration à l'aéroport avant d'être escorté dans un des hôtels les mieux protégés du pays par un commando. «Si un parti est ciblé et ne peut mener sa campagne librement, alors comment pourrons-nous dire que ces élections ont été justes et transparentes? Quelle va être la crédibilité de ce scrutin?», s'interroge Zahid Khan, sénateur ANP, parti dont l'un des principaux leaders, Bashir Bilour, a été assassiné en décembre par les talibans. De son côté, le fils de Benazir Bhutto et du président Asif Ali Zardari, Bilawal Bhutto Zardari, 24 ans, doit en théorie diriger les troupes du PPP, mais il a quitté cette semaine le pays pour Dubaï. Le chef du MQM, Altaf Hussain, établi depuis des lustres à Londres, restera quant à lui au Royaume-Uni et prendra aussi la parole comme à son habitude par téléphone ou vidéo. Si les partis laïcs sont dans la mire des insurgés, les formations plus conservatrices prennent elles aussi leurs précautions. La Ligue musulmane de Nawaz Sharif, grand favori de ce scrutin selon de récents sondages et ouvertement favorable à un dialogue avec les talibans, accuse le gouvernement d'être responsable de cette détérioration de la sécurité pour avoir fait «marche arrière» dans ses «engagements» pris avec les insurgés. Les élections seront marquées par «quelques incidents isolés», mais la campagne restera pacifique, pronostique Siddiqul Farooq, porte-parole de cette formation conservatrice.