Danger La disparition des imprimeries publiques aura un effet d?entraînement terrible sur une large frange de la presse privée et publique. L?ère des étals de buraliste garnis par une floraison de journaux est-elle en passe d?être révolue ? La réponse dépend aujourd?hui des rythmes et sons des rotatives. Huilées, le danger serait en principe écarté. Rouillées, on serait contraint à dire douloureusement adieu à une centaine de titres de la presse nationale, sacrifiés, dès lors, sur l?autel du fallacieux argument économique. Endettées jusqu?au cou, disposant d?énormes créances auprès de ces petits journaux qui ne sont pas en mesure de régler leurs dettes pour diverses raisons entre autres l?insuffisance de publicité, les imprimeries publiques ont d?énormes problèmes d?argent pour fonctionner, s?approvisionner en consommables (papier, encre, pièces de rechange) et encourent un réel danger de mettre définitivement la clé sous le paillasson. Les centaines de travailleurs, qui nuit et jour contribuent dans l?ombre et dans l?humilité à finaliser le produit trituré quotidiennement dans les desks des rédactions, ne savent plus de quoi sera fait leur avenir immédiat. La hantise d?aller grossir les rangs des chômeurs est grande. Elle est entretenue par le silence assourdissant et incompréhensible des pouvoirs publics qui se doivent, comme partout ailleurs dans le monde, aider et soutenir la presse écrite et par là même les imprimeries publiques, car, aujourd?hui, la privatisation des imprimeries longtemps ressassée et dont on dit qu?elle est inéluctable, économie de marché oblige, équivaudra à l?instauration d?un monopole «mercantiliste» par trois ou quatre journaux, dits «grosses cylindrées», qui auront, le cas échéant, à se partager un marché juteux, en termes de publicité et de lectorat, chiffré à des milliards. Cette même presse qui, quinze ans plus tôt, a vécu ses premiers balbutiements en s?abreuvant au placenta du secteur public. La disparition des imprimeries publiques aura un effet d?entraînement terrible sur une large frange de la presse privée et publique algérienne. La presse dite «petite» ou «supplétive», qui ne vit que par l?indulgence de ces imprimeries publiques soucieuses, elles aussi, de préserver, contre vents et marées, leur outil de travail et aussi par la grâce d?une ouverture médiatique qui est plus du ressort du «politique» que de «l?économique», risque, elle aussi, le même cruel sort si les pouvoirs publics, ceux-là mêmes qui, criant sur tous les toits l?impérieuse nécessité de préserver ce pluralisme médiatique, n?interviennent pas à temps pour éviter le massacre. Pourtant, cette presse commence à peine à faire son petit bonhomme de chemin soutenue par les imprimeries publiques lentement mais sûrement, dans la modestie et l?humilité des «petits», les pieds sur terre, loin de toute mégalomanie destructrice. Un chemin emprunté chaque jour, dans les vicissitudes du quotidien, de jour comme de nuit, pour faire son métier et rien d?autre : informer.