En Algérie, le concept de commercialité est souvent vidé de son sens. Dans le remue-ménage judiciaire et policier qui caractérise actuellement la situation de la presse privée nationale, l'argument commercial qui a été à l'origine de toute cette affaire d'interdiction d'impression de six quotidiens, est curieusement passé au second plan. Pourtant, des journaux qui ne sont pas encore parvenus à reparaître, restent toujours décidés à satisfaire cette exigence toute mercantile et revenir sur les étals des buralistes. Les quotidiens L'Expression et Er Raï font partie de cette catégorie de publications qui essaient de surmonter les obstacles financiers qui leur ont été dressés. Néanmoins, si Er Raï a déjà annoncé son impuissance (ou son refus) à pouvoir payer ses créances auprès des imprimeries de l'Etat, particulièrement celle de l'Ouest, il en est tout autrement pour L'Expression. Ce quotidien a déjà déboursé selon son directeur, pas moins de 12,5 milliards de centimes sans réussir pour autant à être imprimé. Il compte réunir le plus rapidement les 3 milliards de centimes qui manquent pour arriver à apurer la totalité de ses créances qui avoisinent les 15 milliards de centimes qu'on lui réclame et revenir ainsi au plus tôt sur la scène journalistique. Quand cela sera-t-il possible? Conforté à la fois par les multiples marques de soutien émanant quotidiennement des lecteurs, d'associations de la société civile et de solidarité pratique des autres journaux, particulièrement ceux qui ont vécu cette épreuve et qui ont pu reparaître après avoir payé rubis sur l'ongle, les responsables de L'Expression restent confiants quant aux perspectives de voir bientôt le journal mis sur les rotatives. La logique de la commercialité pure et dure aura ainsi été suivie jusqu'au bout et les tergiversations des imprimeurs n'auront alors plus leur raison d'être. Cela en théorie. Dans la pratique, et au vu de la saga juridico-policière mise en branle jusqu'à présent pour gêner le fonctionnement normal des autres journaux qui ont vécu la même suspension, mais qui ont payé, financièrement s'entend, rien ne garantit que le même scénario ne sera pas appliqué pour tourmenter l'équipe de L'Expression. A moins d'une retenue ou d'un retour à plus de raison de la part de ceux qui ont décidé de cette machination contre cette catégorie de la presse nationale, les inconnus qui pèsent sur la reparution de notre journal alimentent quand même, nombre d'incertitudes et d'appréhensions. Cela d'autant, que le concept de commercialité dans notre pays est très aléatoire, pour ne pas dire souvent vidé de sa substance par ceux-là mêmes qui l'ont érigé en dogme lorsqu'il s'agit de préserver leurs intérêts propres. Ce qui est sûr en revanche, c'est que l'équipe rédactionnelle et le collectif du journal travaillent d'arrache-pied pour faire reparaître le plus tôt possible leur quotidien. Il s'agit en fait de ne pas décevoir les voeux et les espoirs des nombreux lecteurs - qui ne cessent d'appeler la rédaction pour des nouvelles - d'avoir de nouveau entre les mains, ce journal dont l'âge ne dépasse pas les trois ans d'existence mais qui a réussi à trouver toute sa place parmi les grands du paysage journalistique national. Reste à savoir si ses adversaires ou ceux qu'il dérange, ne lui feront pas barrage. Ceci est une autre paire de manches.