Originalité - La peinture peut être perçue comme un acte de rupture, de renouvellement. A chaque fois l'inspiration se régénère, se déploie. C'est le cas du plasticien Amor Dris Lamine Dokman. ‘Métamorphose', l'intitulé de sa dernière collection (une cinquantaine d'œuvres), exposée au Palais de la culture Moufdi-Zakaria, en est une évidence. Métamorphose marque alors une rupture dans son approche avec l'art, un autre tournant dans son travail de création, une étape nouvelle dans sa démarche plastique. Son œuvre – où il est donné libre cours à une imagination pleine d'enthousiasme, ayant du caractère et du corps, où le fantasme refait surface dans un transport extatique – témoigne, à coup sûr, de cette nécessité ou besoin, toujours réitéré, d'agir sans complexe sur l'art, d'en faire carrément un matériau que le plasticien travaille et sur lequel il développe son idée. L'originalité du travail développé par le plasticien, un travail relevant de l'abstrait, tient du contenu même de la toile, sa surface est composée de cravates. Les cravates sont découpées, morcelées, puis recoupées de manière à donner une consistance, une contenance à la toile. Celle-ci aux couleurs harmonieuses ou contrastées, mais toutes exubérantes, prend une tournure excentrique, une allure fantaisiste. Fantaisistes en apparence, les toiles du plasticien découlent cependant d'une réflexion, ainsi qu'il l'explique, sans pour autant donner d'indications ou de précisions. «Je préfère laisser le visiteur interpréter par lui-même et faire vivre la toile à travers son propre regard», explique Amor Dris Lamine Dokman. En effet, le plasticien fabule avec euphorie en intégrant des cravates à la toile qui, réalisée à partir d'une technique acrylique sur tissu cousu à même la toile, est construite d'une façon à privilégier avec le plus grand soin une profusion inouïe de formes et de motifs. La composition de la palette et de l'apparence est subtilement abondante. La manière dont ces cravates sont disposées, utilisées comme éléments créatifs (mais pas décoratifs, car le considérer comme tel, c'est ramener le travail à une expression triviale) ou comme matière artistique est originale, chaque cravate est réinterprétée selon l'inspiration du moment. S'exprimant sur sa démarche artistique, Amor Dris Lamine Dokman dira : «J'ai acheté les cravates dans un marché de gros à El-Harrach. Je les ai vues et ça a fait tilt dans ma tête. J'ai tout de suite pensé à les inclure dans un travail artistique. Je les ai donc décomposées, puis montées. Et une fois, le travail fini, ça a donné une œuvre d'art. La cravate revêt alors une autre dimension.» Amor Dris Lamine Dokman, en choisissant comme thème la cravate, soutient qu'il n'obéit à aucun raisonnement. «Cela est venu instantanément, d'une façon naturelle. Ce n'est pas réfléchi, et il n'y a la dedans aucune logique. La cravate m'a inspiré, elle a frappé mon imagination avec laquelle, en étayant ma démarche, j'ai dansé», explique-t-il. En parcourant les cimaises de la galerie, le visiteur peut constater que les toiles ne sont pas encadrées. A ce propos, le plasticien dira : «Les encadrer aurait pris beaucoup de place. J'ai donc préféré les laisser telles quelles. C'est pour montrer au public un travail brut. C'est aussi pour lui permettre de découvrir et de réapprendre une œuvre telle qu'elle est à son origine.» Encadrer une toile ne signifie-t-il pas que le travail est fini ? C'est en quelque sorte enserrer l'inspiration, la cantonner dans un moment et dans un espace, lui imposer en fait des limites. Or, une œuvre d'art n'est jamais finie. - L'autre originalité de la démarche du plasticien, c'est que toutes les toiles sont accrochées sur les cimaises de la galerie par des pinces à linge. «Cela attire forcément le regard et c'est le but d'ailleurs. C'est pour susciter l'attention du visiteur. Concentrer tout son regard sur la toile», souligne-t-il. Mais aussi pour faire sortir de l'ordinaire, toujours essayer de chercher de présenter ou de faire un travail hors norme. «C'est apporter sa touche personnelle», dit-il. Quitter les sentiers battus est un souci que l'on ressent d'ailleurs dans le travail de Amor Dris Lamine Dokman. Il est continuellement à la recherche du nouveau, de l'inédit pour avancer dans sa carrière, acquérir encore un nouveau sens de créativité. Autrement dit : évoluer. «Mon objectif consiste toujours à me rechercher, donc à me poser des questions. En plus, j'aime relever des défis, casser la norme, faire quelque chose autrement, différemment. Dans mon travail, je ne répète jamais la même chose. J'aime créer, faire quelque chose de nouveau et ça, c'est dans ma nature.»