Il était une fois un jeune homme dont la femme, en mourant, laissa un fils encore jeune. Son père ne se remaria pas afin d'en prendre soin. Des années passèrent et l'heure de la mort survint ; il dit alors à son fils : «Fils, tu n'as personne qui te soit proche, personne ! Ne te fie en rien à des amis. Fais comme moi, tu réussiras ! Bien, dit le fils.» L'homme mourut, on l'enterra, et son fils resta seul. Un jour, des amis de son père vinrent l'appeler : «Hé ! un tel ! Oui ? Ouvre-nous la porte, nous sommes des amis de ton père. Mon père, répondit-il, n'a laissé aucun ami. Allons, allons ! reprends-toi ! nous sommes de vieux amis de ton père : nous le connaissons...» Il leur ouvrit finalement la porte : «Soyez les bienvenus !» dit-il. Il les introduisit dans la chambre d'invités, fit tuer un mouton, les reçut avec faste, à la semoule de blé. Pendant qu'on préparait le repas, l'un des invités dit : «Jouons aux cartes en attendant le souper. Volontiers », dirent-ils. Ils jouèrent, jouèrent, lui prirent un de ses champs. Ils continuèrent, lui prirent un deuxième champ ; après, ils gagnèrent sa maison ; à la fin ils lui prirent sa femme. Ils s'arrêtèrent de jouer et prirent le repas du soir. Puis ils s'en allèrent, emmenant la femme avec eux. Le lendemain, le jeune homme, à peine levé, se rendit sur une colline sur laquelle se trouvait une grande roche ; il s'assit près d'elle et se mit à pleurer. Au bout d'un moment, apparut le Roi des Génies : «Pauvre créature ! j'ai entendu tes pleurs. Me voici, que veux-tu ? Bon seigneur, répondit-il, j'ai, hélas ! fait hier ce que personne ne fait : j'ai joué ma femme aux cartes ! Ta femme te reviendra, dit le Roi des Génies. Je vais te donner ce qu'il faut pour cela, mais jure-moi que tu reviendras me voir. Il lui donna une carte : Retourne, dit-il, jouer avec eux : tu retrouveras tous tes biens et même ta femme. Bien ! » dit-il. Il alla appeler ceux qui lui avaient pris sa femme : «Je veux jouer encore avec vous, dit-il. Venez finir la partie. Que veux-tu que nous te prenions maintenant ? Tes champs, ta maison, tu les as perdus et tu as même perdu ta femme. Eh bien ! je deviendrai votre domestique, dit-il. (A suivre...)