Résumé de la 15e partie - L'infirmière décide même de l'endroit où seront installés la radio et tous les accessoires... Sans attendre ma permission, Marcelle Davois avait déjà ouvert la deuxième porte : — «Ce serait la salle rêvée de développement dans laquelle on installerait les cuves et où je pourrais vous tirer immédiatement les clichés.» — «Vous savez faire ça aussi ?» — «Mais,docteur, j'ai mon diplôme de manipulatrice et d'assistante-radio !» — «En somme, selon vous, nous avons tout ce qu'il faut pour procéder à cette installation et je suis un criminel si je ne la fais pas ?» — «Tout de même pas, docteur ! Plutôt un retardataire !» — «Voyez-vous, Marcelle, il n'y a qu'une chose qui m'inquiète dans ce projet : je crains que ma clientèle, assez routinière et peut-être un peu «retardataire», comme vous le dites si bien en parlant de moi, n'aime pas beaucoup passer dans cette pièce pour se faire radiographier !» — «Mais il faudra qu'elle s'y fasse, docteur ! Une clientèle, ça se dresse... C'est une habitude à lui donner. N'est-il pas regrettable quand vous vous trouvez en présence d'un cas douteux - ce qui a déjà dû vous arriver plus d'une fois depuis les six mois que vous exercez - d'être obligé d'envoyer vos malades au Mans chez un radiologue et d'attendre que l'on veuille bien vous réexpédier les clichés radiographiques pour pouvoir fixer définitivement votre diagnostic ? C'est une perte de temps et d'argent que vous faites gagner trop facilement à un confrère...» — «Je vois que vous pensez au côté pratique du métier !» —«Il faut être ainsi, docteur, sinon un autre médecin, sachant que vous avez des idées un peu arriérées, viendra un jour s'installer dans votre propre ville et vous prendra rapidement la plus grosse partie de votre clientèle parce que son premier soin aura été de procéder à l'installation pour laquelle vous hésitez encore !» — «Laissez-moi y réfléchir pendant quelques jours. Nous en reparlerons... Maintenant je vais vous faire commencer une première tournée à domicile : emportez cette mallette. Vous y trouverez les verres à ventouses, une bouteille d'alcool, des bandes Velpeau, du coton, des badigeons... enfin tout ce qui vous sera nécessaire pour les soins courants. Bien entendu, si vous estimez qu'il y manque quelque chose, vous n'aurez qu'à la compléter à votre idée.» La tournée fut banale : pas de cas sérieux, mais beaucoup de grippes, comme toujours au début de novembre. Partout - lorsque je présentais mon assistante et quand j'annonçais que, sauf complications sérieuses, ce serait elle qui me remplacerait dès le lendemain pour ces visites quotidiennes - je sentis une gêne indéfinissable. Les gens l'observaient avec une méfiance très nette, mais ils se taisaient : incontestablement Marcelle connaissait son métier - je m'en aperçus dès cette première tournée - et possédait surtout le don, inappréciable pour une infirmière, de savoir se faire obéir par un malade. Peut-être y avait-il une certaine brusquerie et trop d'automatisme dans ses gestes, mais n'était-ce pas l'aboutissement logique d'une longue pratique ? (A suivre...)