Résumé de la 3e partie - Sur le quai de gare, le Dr attend l'infirmière que lui a recommandée son patron, le Pr Berthet... Recevoir cette clientèle, aller la visiter, remuer, bouger, ne pas rester pendant des heures dans un laboratoire, lui conviendraient tout à fait, bien qu'elle ait déjà refusé plusieurs propositions de ce genre qui lui ont été faites par d'autres médecins. Elle n'a pas toujours un caractère très facile : son nom est Marcelle Davois... Qui sait ? Peut-être se laissera-t-elle enfin tenter par votre offre ?» Et, sur ma réponse affirmative, mon ancien patron décrocha son appareil téléphonique : — «Priez Mlle Davois de monter dans mon cabinet.» Pendant que nous l'attendions, il poursuivit : — «Sans doute vous paraîtra-t-elle assez étrange à première vue... Je préfère vous prévenir : c'est une personne plutôt distante, très réservée, parlant peu... Ce qui, à mon avis, est la première qualité d'une bonne infirmière... Si elle accepte, vous finirez par vous habituer à elle et vous vous apercevrez peu à peu qu'elle vous est devenue indispensable pour les mille et un petits à-côtés du métier dont vous n'avez pas le temps matériel de vous occuper. La médecine générale moderne a un champ tellement vaste, surtout pour un jeune médecin de province comme vous qui devez vous pencher sur toutes sortes de cas sans avoir le spécialiste proche, qu'il faut pouvoir alléger le travail.» On avait frappé. Quand je me retournai, elle était déjà dans la pièce. Il semblait qu'elle eût traversé la porte sans l'ouvrir, tellement son entrée avait été discrète. Elle se tenait immobile, anguleuse, le visage émacié sous le voile blanc. Les yeux étaient gris et prenaient par moments une fixité étrange. C'était une femme sans âge : elle pouvait avoir quarante ou cinquante ans ? A dix ans près, il était impossible de deviner. Elle ne bougea pas pendant que le professeur Berthet lui exposait les raisons pour lesquelles il l'avait fait appeler. De temps en temps, ses yeux d'acier jetaient un rapide regard vers moi : en un éclair, je me sentais détaillé des pieds à la tête. Mon patron ne m'avait pas menti : c'était une étrange créature. Elle était tout, sauf séduisante. On peut ne pas être belle, mais avoir du charme ou tout au moins un peu de féminité. Marcelle Davois n'avait ni beauté, ni charme, ni féminité. Elle n'avait rien en dehors de ce besoin que l'on sentait en elle d'être «l'infirmière modèle», celle que l'on cite en exemple, qui est estimée pour sa conscience professionnelle, mais que l'on s'imagine mal portant d'autres vêtements que ceux, simples, de l'infirmière. Quand mon ancien Patron eut fini de parler, elle répondit d'une voix sèche – c'était la première fois que j'entendais cette voix : – «Je vais réfléchir, monsieur, à l'offre du docteur Fortier et je vous prierai de lui transmettre ma réponse dans quelques jours...» Après une imperceptible inclinaison de tête, elle ressortit comme elle était entrée : en silence. Je venais de faire connaissance avec celle qui s'appellera toujours à l'avenir dans mon esprit : «La Corruptrice». (A suivre...)