Résumé de la 16e partie - Lors de la visite au domicile des patients, le médecin constate que les gens regardent l'infirmière avec méfiance... Je dus reconnaître, par exemple, qu'elle faisait beaucoup mieux les piqûres que moi et que les malades, toujours un peu sensibles et méfiants dans ce domaine, paraissaient ne rien sentir et être tout étonnés que la piqûre ait été faite à leur insu. Après tout, n'était-ce pas beaucoup plus son emploi que le mien ? J'ai toujours eu la conviction que si les docteurs font si mal les piqûres, c'est uniquement parce que ça ne les intéresse pas... Nous étions rentrés pour le déjeuner : ce fut notre deuxième repas pris face à face. Je me souviens lui avoir dit à table : « — Vous voyez que si mes malades sont nombreux, ils ne se portent pas trop mal !» Elle ne répondit pas. Au fond, ça devait l'ennuyer de n'avoir rencontré, pendant cette première tournée, que des cas assez bénins... Après le déjeuner, je lui offris, par simple politesse, de prendre une tasse de café avec moi dans la bibliothèque : elle refusa et monta dans sa chambre. Cette preuve de discrétion de sa part ne me déplut pas. La seule chose qui m'agaçait était l'idée, à laquelle je n'avais guère songé avant de l'engager, qu'elle prendrait tous ses repas avec moi ! Mais il était assez délicat de lui demander de les prendre à part, sur-tout au début. Au bout de quelques jours, on verrait... Je craignais aussi la mauvaise humeur persistante de ma brave Clémentine à son égard : tant que j'étais là, Clémentine n'osait rien dire, mais je me doutais qu'à la première discussion qu'elles auraient entre elles, l'une ou l'autre de ces femmes s'en irait. Et comme je ne pou-vais pas faire autrement que de conserver jusqu'à sa mort la vieille nounou qui m'avait élevé, ce serait Marcelle qui ferait ses bagages. Cela m'ennuyait déjà. Cette première matinée me prouvait que mon maître, le professeur Berthet, ne s'était pas trompé : il m'avait trouvé une précieuse collaboratrice. Je devais donc l'accepter pour le bien de ma clientèle, toujours de plus en plus étendue, telle qu'elle était : avec son mutisme horripilant et son visage hermétique. A deux heures, les consultations commencèrent selon la routine immuable attachée à tous les cabinets médicaux. Le premier client qui se présenta, ce jour-là, fut le père Heurteloup, le gros fermier jovial et rubicond que j'avais rencontré la veille sur le quai de la gare. Naturellement, ce fut Marcelle qui l'introduisit dans mon cabinet : cela faisait partie de ses attributions ainsi que répondre au téléphone. Deux offices que Clémentine était très vexée de ne plus remplir : elle adorait, Clémentine, recevoir les clients pour bavarder avec eux dans le salon d'attente et leur conseiller de prendre une petite tisane... Seulement, elle me faisait perdre un temps fou, ma bonne nounou ! Quant au téléphone, elle n'avait jamais su s'en servir : elle hurlait dans l'appareil, écorchait tous les noms, ne comprenait pas les adresses, se trompait dans les heures de rendez-vous et mélangeait les noms des maladies pour lesquelles on m'appelait ! Vraiment, ce n'était plus possible ! (A suivre...)