Résumé de la 22e partie - Le Dr se souvient que c'est Clémentine qui lui a appris que Christiane s'était mariée... Je n'ai même pas eu le temps ce soir-là d'apercevoir, au fond de l'allée, la masse sombre du château, ni la petite lumière qui brillait d'habitude à hauteur du premier étage. A chaque fois que je la voyais, cette lumière, je pensais que ce devait être la chambre de Christiane. Je n'avais jamais pénétré alors dans ce château, ni même franchi la clôture du parc. Ce n'était cependant pas l'envie qui m'en avait manqué quand j'étais enfant, lorsque la propriété était à vendre ! La grille d'entrée, à l'époque, restait obstinément fermée, portant le sinistre écrite au vermoulu : «Propriété à vendre. Pour tous renseignements, s'adresser à Maître Boitard, notaire.» Les mauvaises herbes avaient envahi l'allée, des branches de bois mort y étaient tombées, et, tout à fait au fond, la bâtisse apparaissait sinistre et délabrée, avec ses volets claquant au vent... Pour nous, enfants, ce château engourdi apparaissait comme un lieu de légende. Les vieilles femmes du pays prétendaient que s'il n'était plus habité depuis longtemps, c'était uniquement parce qu'il était hanté. Je rêvais d'escalader ce mur de parc pour pénétrer dans un monde inconnu, mais la crainte de rencontrer quelque fantôme me retint jusqu'à l'âge de dix ans. Ensuite, comme tout lemonde dans la région, je finis par m'habituer à ce château oublié qui meublait le paysage et il cessa de m'intriguer. Ce fut à mon retour d'Allemagne que je vis que tout avait changé : M. Triel était passé dans le château avec ses millions et y avait laissé sa jeune veuve. Les grilles d'entrée s'étaient largement ouvertes pour recevoir les grosses voitures américaines qui venaient deParis à chaque week-end. L'allée était bien entretenue, les mauvaises herbes et le bois mort avaient disparu, les volets de la façade ne claquaient plus au vent... On disait que Christiane, malgré la mort prématurée de son mari, avait conservé le même train de maison luxueux avec jardinier, garde-chasse, chauffeur, cuisinière, femme de chambre... Personnellement, je ne l'avais pas rencontrée au cours de mes tournées et je finissais par croire qu'elle ne voulait pas sortir du château. Je me demandais aussi quel effet me produirait semblable rencontre si elle avait lieu un jour, au hasard. Au fond, je n'y tenais pas trop... Christiane devait être dans les mêmes sentiments puisqu'elle n'avait jamais manifesté le désir de me revoir, depuis six mois que j'étais revenu ! Les choses étaient mieux ainsi : Christiane resterait la riche veuve et moi le docteur vieux garçon. Je ne songeais pas du tout à me marier, malgré tous les beaux projets échafaudés par le cerveau de la brave Clémentine... Toutes ces réflexions - dominées en surimpression par le visage de celle qui aurait été ma femme s'il n'y avait pas eu pour elle la guerre et l'attente de mon retour improbable - contribuèrent à me faire paraître courts les dix kilomètres qui séparaient la ville de la propriété des Servais. (A suivre...)