La vache aux yeux si doux, au port lourd et indolent, est un animal bien sympathique. Elle peut parfois ruer et causer des dégâts, mais dans l'ensemble, c'est une bête pacifique, occupée à brouter ou à allaiter ses petits. Dans les contes, c'est l'animal providentiel qui remplace, auprès des orphelins, la maman perdue. On aime et on recherche son lait, notamment dans les villes où le lait en sachet n'a pas toujours bon goût. Mais si la vache est un animal apprécié et même aimé de tous, son nom n'a pas bonne presse : on peut même dire que, pris au sens figuré, il véhicule toujours des significations négatives. Ainsi, appliqué à la femme, l'arabe bagra aussi bien que le berbère tafunast signifient «lourde, grosse, maladroite». Bagra smina (grosse vache) dit-on parfois, dans une formule pléonastique. Le mot s'applique aussi à l'homme pour stigmatiser l'obésité, mais aussi la voracité : yakuI kiI bagra (il avale comme une vache, c'est un goinfre). Le b?uf, ferd en arabe, azger en berbère, connote, lui, la maladresse, rarement la grosseur ou la voracité : pourtant, il est aussi gros que la vache et il mange autant si ce n?est plus qu'elle ! Le nom du bouvier, beggar, est tiré, comme on peut le remarquer, du nom de la vache bagra et nom du b?uf ferd, comme en français. Cette préférence doit être arbitraire puisque le bouvier algérien conduit aussi bien les vaches que les b?ufs. Comme le nom de la vache, celui du bouvier est péjoratif et sert à qualifier les comportements maladroits ou brutaux. Le mot a même pris, dans les villes, le sens de «paysan» et de «rustre».