Résumé de la 73e partie - Au brigadier qui demande au médecin son avis quant à Mme Boitard, ce dernier répond : «Une femme équilibrée qui incarnait la joie de vivre.» L'amant ? Une idée folle me traversa l'esprit. Ne serait-ce pas auprès de lui qu'il faudrait chercher la cause profonde du geste insensé ? Ne se serait-elle pas tuée parce que l'amant ne l'aimait plus ? Cela paraissait improbable : cette femme n'était pas d'une nature à se laisser aller au désespoir. Elle était plutôt de celles qui remplacent vite un amant par un autre... Enfin quelle preuve certaine avait-on de sa liaison ? Ce n'étaient que des on-dit, des ragots de petite ville... Je voulais pourtant en avoir le cœur net. Je voulais savoir... Je sentais confusément que ce ne serait qu'auprès du jeune lieutenant des Eaux et Forêts que je trouverais la réponse. J'estimais sincèrement avoir droit à cette réponse, au double titre d'ami et de médecin des Boitard... Oh ! si j'apprenais quelque chose de précis, je le conserverais pour moi seul et n'en ferais certainement pas part à la gendarmerie ! Ce n'était pas mon rôle. Le brigadier Chevart était assez intelligent pour se débrouiller tout seul... Mais j'irais quand même trouver le lieutenant Deval ! Pourquoi ne pas y aller tout de suite ? Il ne devait pas, ne pouvait même pas être au courant de ce qui venait de se passer. Personne en ville, ce matin, ne le savait encore en dehors du mari, de la servante, du brigadier Chevart et de moi. Il n'y avait pas un instant à perdre avant que la nouvelle ne se propageât. Je bénéficierais, auprès du jeune homme, d'un effet de surprise certain. Mais était-ce bien à moi de lui annoncer l'horrible nouvelle ? Ne valait-il pas mieux attendre qu'il l'apprît par la rumeur publique ? Après tout, je le connaissais à peine, ce garçon ! Je ne l'avais rencontré que deux ou trois fois en ville : nous nous étions salués, rien de plus. Il m'avait toujours fait une excellente impression. Ça valait la peine de voir quelle serait sa réaction quand il apprendrait. Si ça ne lui produisait aucun effet, ce serait pour moi la preuve qu'il n'était pas l'amant de la belle Mme Boitard comme on le disait, mais tout simplement un ami et qu'il n'était pour rien dans la décision de la jolie femme. Si au contraire il se montrait désespéré, peut-être serait-ce parce qu'il ne se sentait pas étranger au drame. Je me rendis directement chez lui... — Vous devez être plutôt surpris, mon lieutenant, de ma visite.., surtout à une heure aussi matinale ? — En effet, docteur. J'allais partir pour ma tournée d'inspection. — La raison qui m'amène est aussi pénible que délicate... J'ai pensé qu'il était de mon devoir de vous annoncer une triste nouvelle que vous devez encore ignorer... Mme Boitard vient de se donner la mort en se tirant une balle dans le cœur avec le revolver de son mari... Actuellement ce drame n'est pas connu en ville. J'ai pensé que vous préféreriez l'apprendre par moi, qui fus le médecin de Mme Boitard, plutôt que par d'autres. — Et pourquoi avez-vous éprouvé, docteur, le besoin de venir m'annoncer cette nouvelle à moi plutôt qu'à un autre ? (A suivre...)