Résumé de la 83e partie - Pour Marcelle, le suicide de Mme Boitard n'est pas un acte de courage, mais de faiblesse... Après réflexion, je m'aperçois qu'il n'est pas nécessaire d'en modifier les bases essentielles : personne, en ville et dans la région, en dehors de Christiane, ne doit soupçonner la véritable cause du suicide, pas plus que la raison de la fuite si elle avait eu lieu ! Je n'ai donc qu'à faire répandre le bruit que la belle Mme Boitard ne s'est tuée que par désespoir d'amour parce que son jeune amant commençait à la délaisser ! Ça fera à ce garçon une situation impossible qui l'obligera à quitter le pays : je n'en suis pas fâchée... Il l'a bien mérité ! Je me demande ce qu'il pouvait trouver d'attrayant aux charmes d'une femme aussi insignifiante. Après cette salutaire leçon, il pensera plutôt à regarder les femmes intelligentes. Denys d'ailleurs se conduit exactement comme lui, mais je me charge de le faire changer d'avis... Les hommes sont aveugles ! — ... Ça changera dès que j'aurai fait comprendre à Christiane pourquoi Mme Boitard s'est tuée ! L'affolement de celle qui me considère maintenant comme sa plus sûre amie grandira... Elle pensera automatiquement à ce qu'elle ferait elle-même si elle était atteinte par le mal !... Mais il ne faudrait surtout pas que cela la mène, elle aussi, au suicide ! Deux, à quelques mois de distance, ce serait trop ! Il suffirait que Christiane s'en allât comme j'aurais aimé que Mme Boitard le fît, qu'elle abandonnât Denys... La tactique, que je viens d'employer pour atteindre ce point psychologique, s'est tout de même révélée efficace, puisqu'elle a abouti à un résultat que je ne prévoyais pas aussi tragique, mais qui est très net. Je pourrais dire que le résultat final a dépassé mes espérances ! Mais il a été un peu trop brutal. La leçon à tirer de cette expérience est que je dois nuancer mes effets, faire preuve d'un plus grand raffinement dans ma façon d'envelopper Christiane par l'idée morale du cancer, accroître mon influence sur son esprit déjà inquiet par quelques touches habiles, de façon qu'elle raisonne exactement comme je le désire. Mme Boitard a été prise de panique : je lui ai fait tellement peur qu'elle ne m'a pas écoutée jusqu'au bout ! Christiane m'écoutera parce que je ferai preuve à son égard d'une plus grande gentillesse... Au besoin je m'attendrirai avec elle sur son état... Elle aura l'impression que je suis la seule personne au monde capable de la protéger contre le mal qui la menace et que son Denys en est incapable. Elle le délaissera pour moi... ... Comme j'ai bien fait de procéder à une répétition générale ! Vingt fois sur le métier... On ne prépare jamais assez de choses quand on veut la grande réussite... J'imagine en frémissant ce qui aurait pu se produire si je m'étais attaquée d'emblée à Christiane ! Elle aurait très bien pu faire comme Mme Boitard ! Ç'aurait été pour moi la faillite totale de mon plan : Denys, trop désespéré, n'aurait sûrement pas eu le courage de se rabattre sur son métier, c'est-à-dire sur moi... Qui sait ?Peut-être même aurait-il voulu rejoindre sa maîtresse dans un autre monde. (A suivre...)