Mémoire Deux anciens prisonniers du bagne marocain de Tazmamart racontent les péripéties de leur incarcération dans les geôles du défunt roi Hassan II. Leurs états d?âme et souffrances endurées durant cette période sont relatés dans deux livres-témoignages qu?ils viennent de publier au Maroc. Les deux anciens prisonniers étaient détenus à la prison de Tazmamart où furent incarcérés 58 militaires de 1973 à 1991, dans des conditions effroyables. Certains de ces prisonniers, opposants au régime du père de Mohammed VI, ont péri durant leur pénible séjour dans cette terrible prison. Les langues commencent à se délier concernant cette période noire pour les droits de l?Homme. Le roi Hassan II s?est montré impitoyable avec les organisateurs d?un putsch dont les préparatifs sont retracés dans Opération Boraq F5, 16 août 1972, l'attaque du Boeing royal de Ahmed El-Ouafi. Le monarque leur fera payer chèrement leur coup d?Etat avorté. Ils seront 58 à être accusés d?avoir participé et jetés en prison où ils subiront les pires sévices et tortures au point que certains en sont morts. Mais l?auteur ne s?est pas trop étalé sur les conditions de détention focalisant surtout sur le déroulement chronologique des événements de 1971 et 1972. Il estime à ce sujet que la vie dans le bagne a déjà été décrite «avec talent et grande exactitude» par certains de ses codétenus, les 58 bagnards notamment dans Tazmamart, cellule 10 d'Ahmed Marzouki et De Skhirat à Tazmamart, retour du bout de l'enfer de Mohamed Raïss. «Si j'ai pris la décision d'écrire ce livre, c'est d'abord et avant tout en souvenir de tous mes compagnons du bagne infernal de Tazmamart qui, dans des conditions atroces, y ont perdu la vie», assure-t-il. «On n'écrira jamais assez sur ces deux décennies qui vont de 1971 à 1991 et qu'on appelle toujours années de plomb», estime-t-il. L?auteur d?un autre livre-témoignage, Kabazal, les emmurés de Tazmamart, Salah Hachad, quant à lui, est largement revenu sur les conditions de vie dans cette prison qui a défrayé la chronique. Hachad qualifie son lieu de détention de «mouroir» en soulignant la résistance des prisonniers qui s'accrochaient à la vie. «Kabazal», dont l'ouvrage tire son titre, est un nom magique donné par les détenus du bagne à une prouesse technique de Salah Hachad : exploiter un trou dans le plafond de la cellule sans ouverture pour projeter de la lumière à l'intérieur. Pour avoir accès à un peu de lumière, le prisonnier se servit d?un étrange ustensile. «Le couvercle de la boîte de sardine gardé précieusement depuis 1973 me donna l'idée de l'utiliser comme moyen de réflexion de la lumière», raconte-t-il. Après des mois de tentatives, l'opération a réussi.