Les tortionnaires avaient donné des prénoms masculins à six militantes incarcérées dans un centre secret de détention en 1977, a raconté l'une d'elles lors d'une audition publique sur les «années de plomb», hier, mercredi, à Rabat. Les auditions, organisées par l'Instance Equité et Réconciliation, un organisme gouvernemental où sont représentés d'anciens militants des droits de l'Homme, étaient retransmises en direct à la télévision nationale, comme lors de la première séance qui eut lieu la veille. «Au centre de détention Derb Moulay-Chrif à Casablanca, les militants, on leur donnait des numéros. Quant à nous, les femmes, on nous donnait des noms d'homme et moi, ils m'ont appelée Abdelmounaïm», a raconté Maria Zouini qui avait été arrêtée en même temps que son frère et son futur mari. «On subissait un harcèlement sexuel permanent et les gardiens nous menaçaient de viol», a ajouté Mme Zouini. Abdallah Agaou, l'un des survivants du bagne marocain de Tazmamart, a relaté, de son côté ,l'effrayante réalité de ce bagne «où les détenus mouraient l'un après l'autre dans l'indifférence et la négligence totales». «Les gardiens du bagne s'étaient un jour plaints à leur directeur en lui disant : nous ne pouvons plus entrer dans ces cellules à cause des odeurs nauséabondes des détenus», raconte M. Agaou. «Nous subissons encore aujourd'hui des tracasseries, a-t-il assuré. Un agent d'autorité aurait reproché à un autre survivant de Tazmamart, Ahmed Marzouki, d'être passé sur la chaîne arabe satellitaire Al Jazira», a assuré Abdallah Agaou.