Résumé de la 1re partie Au début du vingtième siècle, dans un village perdu, Ali, qui souffre de terribles maux de tête, se soigne avec une plante à fleurs jaunes que lui a donnée la rebouteuse? La plante est donc efficace ! se dit la mère, Kheïra. Bénie donc soit la rebouteuse qui permet à son fils de se reposer enfin, après plusieurs jours de douleurs et de veille... ? Comment te sens-tu ? demande-t-elle encore à Ali, pour s'assurer qu'il va réellement mieux. ? Très fatigué, dit Ali d'une voix pâteuse. ? Et la douleur ? ? Je ne sens plus ma tête... ni mon corps... Il ne sent plus sa tête et son corps : cela veut dire qu'il ne sent plus la douleur. ? Dors, dors, dit Kheïra, je te réveillerai plus tard, pour le souper... Elle le laisse donc dormir. En fait, Ali lutte non pas contre le sommeil mais, comme il le racontera plus tard, contre une sorte d'engourdissement qui s'était emparé de son corps. Bientôt, il ne peut plus bouger : il a l'impression que ses bras et ses jambes pèsent chacun plusieurs tonnes. Ses oreilles bourdonnent comme si un essaim d'abeilles s'y était introduit, ses paupières se baissaient et elles étaient si lourdes qu'il n'arrivait pas à les ouvrir. La douleur a disparu, mais cet état nouveau dans lequel il se trouve l'inquiète... II pense tout à coup à Bouberak, le fantôme qui, selon la croyance populaire, s'empare du corps des dormeurs, les écrasant de son poids et les faisant souffrir toute la nuit ; il a brusquement peur et tente de crier de toutes ses forces : ? Maman? Mais les mots restent dans sa gorge, ne parvenant pas à franchir l'obstacle de la bouche, hermétiquement close. Quelque chose dit au jeune homme qu'il ne doit pas céder à l'engourdissement et que s'il se laisse prendre par le sommeil, il ne se réveillera plus. Ce sommeil, qu'il désire pourtant depuis plusieurs jours, est synonyme de mort? ? Maman? papa ! Au secours ! Les sons meurent dans sa poitrine, il entend soudain sa mère parler. ? Chut, dit-elle, il dort ! Et la voix de son père qui répond : ? Cela veut dire qu'il n?a plus mal ! Il faut le laisser dormir ! «Non ! Non !» hurle-t-il à l'intérieur de lui-même. Non, il ne faut pas le laisser dormir, au contraire, il faut le secouer de sa torpeur pour le réveiller ! S'il cède à l'inconscience, il est perdu. Mais personne n'entend ses cris. La voix de sa mère se fait, de nouveau, entendre. ? Ne faites pas de bruit, votre frère dort ! Ce sont ses deux cadets, Larbi et Messaoud, qui viennent de rentrer. Il leur crie qu'ils ne doivent pas écouter leur mère et qu'au contraire, ils doivent faire du bruit, chahuter même, comme ils le font d'habitude. «Allez, garçons, criez, riez, faites le plus de bruit possible ! Vous pouvez même me secouer et me frapper !» Mais les deux garçons ne l'entendent pas. Il entend, en revanche, d'autres voix, celles de ses s?urs puis, elles aussi s'éteignent, la porte de la pièce où il se trouve se referme. «Au secours !», crie-t-il à l'intérieur de lui-même avant de sombrer dans l'inconscience. (à suivre...)