Résumé de la 4e partie - A la vue du chat siamois, Chantal s'écoule inanimée sur le tapis... J'ai remarqué que vous aviez, à la naissance de la cuisse gauche et au bas de la colonne vertébrale, quelques petites taches ovales et roses, tranchant nettement sur la blancheur de votre peau. Un peu d'urticaire ? — J'y suis sujette. Hier soir, j'ai eu tort de me laisser tenter par la langouste. — De toute façon, ce ne doit pas être grave, déclara le médecin en se levant. Madame, il faut vous reposer. Mangez peu à midi et ce soir vous serez parfaitement rétablie pour dîner. Je demanderai personnellement à Mrs. Smith qu'elle veuille bien laisser son chat siamois enfermé dans sa cabine. A bientôt, chère Madame. Si vous ressentez le moindre malaise, n'hésitez pas à sonner le steward qui me préviendra. Pour le moment, vous n'avez besoin que de calme. Le docteur s'était retiré en compagnie de la femme de chambre. Chantal resta un long moment immobile, puis elle se leva comme un auto-mate, atteignit dans la penderie une malle-armoire, y saisit un livre et trébucha jusqu'à son lit. Elle ouvrit au hasard ce petit volume familier : ses yeux tombèrent sur une citation de Xavier de Maistre : «Pourquoi chercherais-je à me faire illusion ? Je ne dois avoir d'autre société, que moi-même, d'autre ami que Dieu : nous nous reverrons en lui. Adieu, généreux étrangers !» Dieu, un ami ? Si Dieu était ami des hommes, aurait-il envoyé sur eux des maux aussi abominables ? Elle poursuivit sa lecture : «J'évite d'être vu par ces mêmes hommes que mon cœur brûle de rencontrer. «Je sais pourtant que celui qui chérit sa cellule y trouvera la paix. Sa cabine désormais devait être une cellule puisqu'elle-même avait la lèpre. Le livre lui était tombé des mains. Sur la couverture on lisait : Docteur RAMELOT LA PSYCHOLOGIE DES LEPREUX A chaque fois quelle parcourait ce petit volume, elle revoyait un fragment de son existence. C'était l'un des motifs pour lesquels elle rouvrait sans cesse l'ouvrage du docteur Ramelot, qu'elle l'absorbait lentement comme une drogue qui lui faisait du mal mais dont elle ne pouvait se passer. Une vision s'imposa à son esprit : elle avait alors seize ans... Un couloir de métro... Un matelot rencontré au hasard... leur banale aventure et ce souvenir que le gars breton lui avait laissé Iru, un chat siamois rapporté de Saigon. Elle n'avait jamais su ce qu'était devenu le marin mais avait conservé l'animal. Le seul fait de prononcer mentalement le nom d'Iru amena sur son visage une expression d'indicible amertume. (A suivre...)