Résumé de la 5e partie - Le docteur conseille à Chantal un repos complet... Pour chasser la vision qui la hantait, elle alluma une cigarette, et reprit : sa rêverie, le regard noyé dans des volutes de fumée. Elle revit sa triste enfance.. A douze ans elle avait été placée par l'Assistance publique, comme boniche dans une ferme des environs de Paris, où la fermière la faisait coucher dans une étable et la battait. La petite fille s'était enfuie, mais un inspecteur l'avait retrouvée dans un café de la banlieue, où elle avait été recueillie par la patronne, une brave femme qui voulait bien s'occuper d'elle ; l'inspecteur consentit à laisser la petite fille dans cette nouvelle demeure. Après avoir été fille de ferme, Chantal serait bonne de café. Que de choses laides ! Quand elle eut quinze ans, elle commençait à être diablement jolie ; le patron, un ivrogne, tournait autour d'elle. Une fois encore, elle dut s'enfuir ; l'Assistance publique la plaça comme bonne à tout taire chez une dame âgée. Là, elle était bien tranquille. Tous les mois elle recevait la visite d'un inspecteur ou d'une inspectrice ; cette corvée durait cinq minutes pendant lesquelles Chantal répondait que tout allait bien et qu'elle était très heureuse. L'inspecteur repartait, rassuré et fier des excellents résultats obtenus sur une enfant qui avait semblé, au départ, si indocile. Chantal pouvait faire ce qu'elle voulait chez la vieille dame et sortir avec le matelot. Celui-ci, vite oublié, fut remplacé par un mécanicien de garage, qui devint lui-même vite assommant le jour où il eut l'idée saugrenue de prendre l'aventure au sérieux et de parler mariage. Que de chemin parcouru depuis ! La jeune femme essayait bien de se souvenir de toutes ses aventures enfuies ; elle n'y arrivait pas : il y en avait eu trop. Mais elle se rappellerait toute sa vie le jour où l'Assistance publique lui avait déclaré qu'elle était libre, ayant atteint sa majorité. On lui avait remis une somme assez importante représentant l'argent qu'elle avait gagné dans ses places successives depuis l'âge de douze ans. Chantal avait emporté son argent, sans prendre même le temps de dire au revoir à qui que ce fût. Enfin, elle pouvait vivre pleinement sa vie ! tout l'argent, gagné et économisé en neuf années, fut dépensé dans les quarante-huit heures : en robes, en bas de soie, en chapeaux, en coiffeur, en manucure, en cigarettes. Chantal s'armait pour défendre ses charmes. Le soir même, elle débutait comme entraîneuse dans un dancing de la place Blanche, à la recherche de la Grande Aventure : celle qui la sortirait enfin de sa misère et serait la juste reconnaissance de sa beauté. En dix mois, elle avait fait tous les bars, tous les dancings et toutes les boîtes de la capitale : des Champs-Elysées à la République et de Montmartre à Montparnasse. C'est là que la direction de «Marcelle et Arnaud» était venue la dénicher pour augmenter d'une unité de choix la célèbre cohorte de ses grands mannequins. (A suivre...)