Elargissement La question revient dans toutes les cérémonies du monde riche : «La Chine doit-elle s'asseoir avec nous ?» Le Sommet de Sea Island n'y a pas échappé, pas plus que le dernier rendez-vous des grands argentiers du G7, lors de la session du FMI à Washington. Chacun de ces clubs restreints, héritier d'une autre époque, se demande légitimement s'il est, sinon démodé, du moins bien outillé pour régenter l'économie mondiale. Pékin se garde de plaider publiquement une adhésion, mais son dossier est solide. Au bout de 25 ans de réformes et de croissance, le PNB chinois a déjà dépassé celui de la Russie, du Canada et de l'Italie. Il rattrape la France et la Grande-Bretagne avant de rejoindre l'Allemagne, des pays considérés comme de «grands pays industrialisés». L'impact sur le reste du monde est aussi frappant. D'après les experts, l'essor chinois explique, à lui seul, un tiers de la croissance mondiale sur les trois dernières années. La République populaire de Chine est, avec les Etats-Unis, la seule puissance économique dont les humeurs font valser les cours du pétrole, de l'acier ou du soja. La Chine s'est mondialisée. En retour, la santé de la planète dépend maintenant de la Chine. C'est la réalité que le Canada, la Grande-Bretagne et la France ont reconnue à Sea Island, sans admettre le président chinois Hu Jintao dans le club, ni même lui lancer une invitation formelle. Avec le Britannique Tony Blair, hôte du sommet annuel 2005, le Canadien Paul Martin a discuté d'un possible rendez-vous des «grands» avec les pays «émergents», dont la République populaire. Jacques Chirac envisage, lui, d'élargir «mais peut-être pas institutionnellement» le dialogue à ceux qui deviennent des acteurs essentiels, c'est-à-dire à «des pays comme la Chine». George W. Bush n'a rien dit, dans un contraste saisissant avec la récente proposition du Trésor américain d'associer Pékin au rendez-vous semestriel des ministres des Finances du G 7. La distance prudente ? ou le silence ? que les «grands» gardent à l'égard de la Chine sont, bien sûr, politiques. Inauguré en 1975 comme un rendez-vous économique, le Sommet annuel des «grands pays industrialisés» est aussi un cercle de démocraties de type occidental qui sont en paix avec leurs voisins. La République populaire ne répond à aucune de ces deux conditions. La Russie elle-même, dix ans après son entrée dans le club, continue de susciter des froncements de sourcils et reste sur un strapontin. L'admission de la Chine serait économiquement mieux fondée. Mais les sept grands, s'ils manifestent une volonté de dialogue, redoutent aussi l'entrée de l'éléphant dans leur magasin de porcelaine. De la reprise des ventes d'armes à Pékin, souhaitée par l'Europe et exclue par les Etats-Unis, à la libéralisation des marchés agricoles voulue par la Chine, mais refusée par l'axe Bruxelles-Washington, la liste des contentieux et des non-dits est, sans doute, trop longue pour laisser le moindre espoir à Hu Jintao.