Campement - Ce matin, manifestants et policiers étaient engagés dans un face-à-face tendu, à Kiev. Ils sont séparés par une barricade de pneus en flammes. Sur les lieux, de violents affrontements qui ont déjà fait cinq morts. Plusieurs dizaines de manifestants, portant souvent des casques de chantier ou de moto, étaient rassemblés ce matin rue Grouchevski. Derrière un mur de flammes et de fumée, ils lançaient épisodiquement des pierres ou des cocktails Molotov. Pendant ce temps, des déflagrations se faisaient entendre par moments. Apparemment, elles sont dues à des tirs par les forces de l'ordre de grenades assourdissantes ou lacrymogènes. Place de l'Indépendance, à quelques centaines de mètres de la rue Grouchevski, des dizaines de personnes se sont rassemblées dès le petit matin par -10°C. Dans le centre de Kiev, un véhicule de transport de troupes, blindé, est apparu pour la première fois depuis le début de la contestation, et a avancé dans la rue Grouchevski. Des centaines d'hommes des forces anti-émeute le suivaient, dans l'épaisse fumée des pneus brûlés par les manifestants, forçant les protestataires à se replier vers la place centrale de Kiev, occupée depuis plus de deux mois. Le mouvement, lancé il y a deux mois par le refus du pouvoir de signer un accord avec l'Union européenne au profit d'un rapprochement avec la Russie, a repris de l'ampleur depuis l'adoption d'une loi renforçant les sanctions contre les manifestants, entrée en vigueur hier. Les affrontements se sont alors intensifiés depuis hier, avec plusieurs assauts des forces anti-émeute, sur les barricades dressées par les manifestants rue Grouchevski, à quelques centaines de mètres de la place de l'Indépendance. Les assauts ont donné lieu à des tirs nourris de grenades lacrymogènes et assourdissantes de la part de la police, équipée de canons à eau. Le centre du service médical improvisé de l'opposition a indiqué que cinq militants de l'opposition ont été tués et 300 autres blessés dans les violents affrontements avec les forces de l'ordre. «Quatre blessures par balle à la tête et au cou pour l'un des morts, ce n'est pas de la légitime défense mais des tirs délibérés sur des citoyens pacifiques», ont déclaré les partis des leaders de l'opposition, Arseni Iatseniouk, Oleg Tiagnikok et Vitali Klitschko. Les affrontements à coups de cocktails Molotov, tirs de balles en caoutchouc et grenades assourdissantes n'ont pratiquement pas cessé depuis dimanche dernier et ont fait au moins 200 blessés avant même l'assaut d'hier, mercredi, selon le ministère de l'Intérieur. Le parquet ukrainien a indiqué de son côté que deux hommes avaient été tués par balles dans la zone du centre-ville où ont lieu les affrontements. Vers un bain de sang Devant des dizaines de personnes réunies hier soir sur cette place symbole de la contestation, l'opposition a menacé le président Viktor Ianoukovitch d'une offensive ce matin s'il ne faisait pas de concessions, après deux mois d'une confrontation qui tourne à la guérilla urbaine. «Si Ianoukovitch ne fait pas de concessions, demain (jeudi) nous passons à l'offensive», a déclaré l'ex-boxeur Vitali Klitschko, réclamant des élections anticipées. De son côté, Arseni Iatseniouk, proche de l'ex-Premier ministre emprisonnée Ioulia Timochenko, a donné de son côté «24 heures» au pouvoir pour éviter un «bain de sang». Et pour tenter de trouver une issue à cette crise, le président ukrainien a reçu mercredi les trois dirigeants de l'opposition pour une réunion de conciliation qui s'est achevée sans qu'aucune annonce ne soit faite. A leur sortie de la réunion, les trois opposants n'ont fait aucun commentaire. Les derniers développements de la situation en Ukraine a fait réagir la communauté internationale.L'Union européenne s'est dite «choquée» par l'escalade de la violence en Ukraine. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a averti Kiev de «possibles actions» et de «conséquences pour les relations» avec l'Ukraine. Les Etats-Unis ont annoncé de premières sanctions en révoquant les visas de responsables ukrainiens impliqués dans les violences. Moscou a pour sa part dénoncé «l'ingérence étrangère» dans les affaires intérieures de l'Ukraine, tout en estimant de son côté que l'opposition «extrémiste» en violait «outrageusement la Constitution». la Russie ne va pas intervenir dans la situation en Ukraine, a déclaré ce matin le porte-parole du président russe Vladimir Poutine.