Résumé de la 55e partie ■ De Sydney, Chantal embarquera sur le «Saint John» – nommé le cargo des lépreux – qui la mènera jusqu'à Makogaï... C'est lui qui amène périodiquement sa cargaison de malades, venus du monde entier et groupés à Levuka avant leur dernier voyage. Le «Saint-John» vous déposera sur la plage de Makogaï où la sœur Marie-Ange vous accueillera. Dès demain, je ferai partir pour elle et pour Mère Marie-Joseph, notre Supérieure de la Mission de Makogaï, une lettre par avion : elles seront prévenues de votre arrivée. Ce furent ses derniers mots, Chantal s'apprêtait à lui tendre la main, mais la Mère Dorothée fit un grand signe de croix en guise d'adieu et se dirigea vers la chapelle. Dans cette journée accablante, la jeune femme avait rencontré deux personnages qui l'avaient étonnée l'interne de l'hôpital Saint-Louis, ce grand garçon pâle qui consacrait la meilleure époque de sa vie à soigner des malades presque incurables, et la sœur Dorothée qui régnait en souveraine absolue sur des jeunes filles parmi lesquelles certaines, telle cette sœur Marie-Ange dont la Supérieure lui avait raconté l'histoire, n'hésitaient pas à tout abandonner, richesse, nom, beauté, pour se dévouer. Depuis que Chantal les avait rencontrés, elle avait l'impression que la vraie vie pouvait être assez différente de celle qu'elle avait connue jusqu'à ce jour ? Mais tout cela était encore très confus dans son esprit. Régulièrement, trois fois par jour, Williams déposait sur la table basse de la cabine un plateau contenant successivement le breakfast, le lunch et le dîner. Chantal appréciait ce steward pour sa discrétion et la perfection de son service ; en dehors de lui et de la femme de chambre, elle ne voyait personne et restait pendant des heures allongée sur son lit, en pyjama ou dans un déshabillé rose, grillant des cigarettes. Elle avait l'impression que la fumée endormait sa douleur morale. Demain, ce serait l'escale à Singapour. Robert n'avait plus insisté depuis la fin de non-recevoir qu'elle lui avait fait transmettre par Williams. Il devait errer à travers les salons, du bar américain à la salle à manger, du deck au fumoir, à la recherche de son bonheur perdu. Elle-même s'était habillée dix fois pour quitter cette cabine dont elle avait fait sa cellule et rejoindre l'ingénieur. Mais à chaque fois, au moment d'en franchir le seuil, elle s'était ravisée sa passion était trop belle, trop pure, trop forte pour se terminer par une idylle de quelques jours au bout desquels tout s'effondrerait devant la découverte de son mal par un amant. Seule la guérison complète, promise par le séjour dans la lointaine Makogaï lui permettrait de revoir Robert qui était déjà, dans son esprit et son cœur, celui dont la présence marquerait sa destinée. Sa nouvelle torture morale dépassait même celle qu'elle avait éprouvée à l'idée que la lèpre la défigurerait ou qu'elle deviendrait laide. (A suivre...)