Résumé de la 69e partie ■ Les deux médecins qui auscultent Chantal, considèrent que sa lèpre est déclarée... Les religieuses n'avaient ni le besoin, ni le droit de se regarder dans un miroir ; elles n'oubliaient qu'une chose, c'est que Chantal n'avait pas encore renoncé au monde, à ses pompes et à ses œuvres et qu'elle n'y renoncerait jamais ! Elle ne toucha même pas au déjeuner que lui apporta la sœur indigène ; elle n'avait pas faim et savait bien qu'elle ne pourrait plus avoir faim tant qu'elle serait au milieu de toute cette horreur. Elle mangerait quand elle serait guérie... Au début de l'après-midi, le Père Anselme reparut : — Vous êtes prête ? Nous n'avons pas une minute à perdre. Le «Saint-John» appareille dans une demi-heure. Quand la Ford arriva sur le quai d'embarquement, celui-ci était déjà envahi par une foule bariolée, où quelques rares Européens se mêlaient aux indigènes. Foule silencieuse qui était maintenue par un cordon de police à une dizaine de mètres d'un navire accosté contre le quai et dont Chantal lut le nom : «Saint-John». Elle avait devant elle le cargo des lépreux. Les policemen s'écartèrent pour laisser passer la voiture du missionnaire. Un officier indigène, assisté d'un médecin anglais, vérifiait les papiers et l'identité des voyageurs en bas de la passerelle conduisant au bateau. — Donnez-moi votre fiche, souffla le Père Anselme à Chantal, qui regardait ce spectacle en se demandant si elle aurait même la force de monter sur le cargo ? Machinalement, elle tendit sa fiche, couverte de tampons et portant son empreinte digitale que les médecins du contrôle avaient prise le matin. Le prêtre se dirigea vers l'officier de police avec lequel il parlementa pendant quelques minutes. Ce qui donna à la jeune femme le temps de remarquer une longue file de malades, rappelant ce qu'elle avait vu à l'hôpital Saint-Louis, qui attendaient d'embarquer. Ils étaient peut-être une centaine, encadrés par des soldats, baïonnette au canon. Les malheureux étaient presque tous en haillons et avaient déposé sur le quai à côté d'eux, des sacs de toile dans lesquels devaient être renfermés leurs vêtements et ce qu'ils considéraient comme leurs trésors les plus précieux. Les uns s'asseyaient sur ces sacs, d'autres s'étaient accroupis par terre, quelques-uns, enfin, s'appuyaient sur des bâtons : tous semblaient avoir un mal infini à se tenir debout et paraissaient épuisés. Il y avait, dans le lot, des hommes, des femmes et même, Chantal n'en crut pas ses yeux, trois enfants dont l'un n'avait guère que quatre ans. Presque tous les malades avaient le visage en partie caché par les grands chapeaux de paille à large bord. (A suivre...)