Résumé de la 68e partie ■ Au débarcadère de Levuka, le père Anselme attendait Chantal pour la conduire au couvent de la mission des Sœurs de Marie... Un repas, composé en majeure partie de fruits exotiques et de pastel de maïs, fut servi dans la cellule par une sœur dont la peau noire offrait un étrange contraste avec la cornette blanche C'était la première nuit que Chantal passait sur la terre ferme après un mois de navigation ; elle dormit mal, le bercement du navire finissant par lui manquer. Vers quatre heures du matin, alors qu'elle commençait à peine à s'assoupir, la jeune femme fut tirée de sa torpeur par des chants religieux. S'approchant de la baie, elle distingua très nettement les voix des religieuses qui psalmodiaient l'office matinal. Non contentes de se dévouer dans la journée, ces femmes trouvaient encore le moyen de se lever la nuit pour prier ! Il y avait, enfoui dans le cœur de ces Sœurs missionnaires, quelque chose que Chantal ne parvenait pas à analyser et qui la dépassait. La seule pensée que d'autres priaient pendant qu'elle dormait l'empêcha de se rendormir. Elle était prête depuis longtemps quand le Père Anselme pénétra dans sa cellule, accompagné de deux médecins de la Commission de contrôle de la lèpre. L'un d'eux était Anglais, l'autre Fidjien avec un type très accusé. Ni l'un ni l'autre ne parlaient le français ; le Père Anselme dut servir d'interprète. Après avoir examiné attentivement les taches que Chantal avait sur le cou et qui s'étaient répandues sur les bras, les médecins rédigèrent un rapport. Ils parlèrent peu et prononcèrent seulement quelques mots en anglais que le Père Anselme traduisit : — Ils estiment que tout prélèvement dans le nez est inutile. Votre lèpre leur paraît déclarée. Ils ont une grande habitude... Ils vont vous remettre une fiche que vous présenterez au contrôle de départ du «Saint-John» : sans elle vous ne pourriez pas embarquer, le «Saint-John» transportant exclusivement des lépreux à ce voyage. Vous aurez bien soin de conserver cette fiche pour la donner à votre arrivée à Makogaï, au médecin-chef de la léproserie. Chantal écoutait le Père Anselme avec une profonde, amertume ; elle n'était plus, ce matin, qu'un numéro dans une cargaison de lépreux. Cette traversée de Levuka à Makogaï s'annonçait comme devant être l'étape la plus pénible du sinistre voyage. Le médecin anglais lui remit la fiche annoncée et se retira avec son confrère. En quittant la cellule, le missionnaire dit à la jeune femme : — Je reviendrai vous prendre avec ma Ford une demi-heure avant le départ du «Saint-John» pour que vous restiez le minimum de temps sur le cargo. Elle n'essaya même pas de faire une promenade dans le jardin paradisiaque qu'elle avait sous les yeux. La sensation pénible de la corde lui pressant le coude gauche était revenue ; les doigts de sa main droite avaient du mal à tenir le peigne avec lequel elle essayait de se recoiffer en n'ayant pour tout miroir que celui de son sac. (A suivre...)