Déclamation ■ Deux femmes, la première Carmen Camacho, venue d'Espagne, l'autre, Rabéa Djelti, qui n'est plus à présenter au public algérien, féru de poésie. Intitulé «Voix féminines», le récital, qui a eu lieu hier à l'Institut Cervantès, a laissé tour à tour les deux poétesses lire quelques extraits de leurs poèmes. C'est dans une ambiance joviale que Carmen Camacho, décontractée, issue du mouvement de la poésie contemporaine espagnole. Se démarquant d'un style traditionnel, la poésie de Carmen Camacho s'inspire du réalisme des choses et des sentiments. Elle est le lyrisme de la présence «comme du moi et de l'autre utilisant la parole comme un art clément». La place du père chez Carmen Camacho est vive, puisque la jeune femme en parle à plusieurs reprises, rappelant que c'est grâce à lui qu'elle se familiarise avec la Mauritanie, pays proche de la péninsule ibérique «entre forêt et désert». Née à Séville dans le sud du pays, la jeune femme ne peut dissocier de son existence le flamenco et toute la richesse de cette danse-flamme et du chant si cher aux Andalous. Elle a une vision particulière et personnelle de l'amour à travers le magnétisme, la perception sentiments jusqu'à l'envoutement : «Je suis de ces papillons qui se brûlent les ailes...» Femme au caractère fort comme les «femmes de son village», elle dit : «Je préfère debout qu'agenouillée...». Au moment où un certain dimanche elle passe devant un magasin présentant des mannequins en cire, intriguée, peut-être même inquiète face à ces femmes sans âme, elle écrit : «Je me demande quelles sont les pensées intimes de ces poupées mannequins derrière les vitrines...». El adhan, l'appel à la prière, les forêts, la parole de l'eau, la place de l'eau dans notre vie sont, entre autres, des thèmes qui reflètent l'intérêt poétique chez Carmen Camacho : «Si la soif me donne faim...Si l'amour me prend en son sein trempée de rosée... pour que la Sierra enfant des cascades..». Cette relation avec l'eau est physique. On peut le comprendre puisque la poétesse est issue d'une région où les étés sont torrides parce que voisine de l'Afrique ce qui lui fait dire : «J'ai une relation très spéciale avec l'eau...». Rabéa Djelti a, de son côté, déclamé ses vers dans les trois langues, arabe, française et espagnole, «une musicalité poétique», selon ses termes. Etonnamment, elle aussi a lu des vers dédiés à l'eau, source de vie «où Dieu a-t-il mis ses eaux... apparitions de canicules... l'eau s'abreuve de nous... comment nous purifier pour nous rapprocher de Lui...». Questionnement métaphysique, alliant la parole théologique à la crainte de l'être humain face à la disparition de ce qui est l'un des facteurs les plus importants de la vie sur terre. Nous avons eu droit à des vers très courts comme : «Devant la porte du jour sommeille la nuit, près de la porte de la nuit dort le jour...». Encore une allusion à ce qui fait l'existence, le monde, l'obscurité et la lumière, l'homme et la femme, la lune et le soleil. Rabéa Djelti chaussera des nuages pour voyager et annoncer la fin de son récital.