Témoignage ■ «Boko Haram a tué mon mari il y a neuf mois. Ils l'ont abattu à la maison. Mes enfants et moi étions présents. C'était horrible», raconte Hannatu. Comme cette chrétienne nigériane de 42 ans, mère de huit enfants, beaucoup de Nigérianes ont perdu leurs maris dans les attaques perpétrées depuis 2009 par les islamistes nigérians de Boko Haram. Elles ont trouvé refuge au Cameroun voisin. Opposés à l'éducation occidentale, les extrémistes s'en prennent régulièrement aux chrétiens mais également aux musulmans. Leurs victimes, qui se comptent par milliers, sont généralement des hommes. «Dès qu'ils sont entrés dans la maison, ils ont tiré sur lui et sont repartis, sans fournir la moindre explication», dit Hannatu. «Ils ont aussi brûlé et pillé notre maison». «Après avoir enterré mon mari à la hâte, nous avons fui à Zhelevet (Nigeria)», à la frontière camerounaise, poursuit-elle. Alors enceinte de six mois, la veuve a réussi à rejoindre le camp de réfugiés de Minawao, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, où elle attend la venue au monde, dans quelques jours, de son bébé. Allongée sur un fagot de tiges de mil qui lui sert de «natte», Hannatu prend un bain de soleil alors que d'autres femmes du camp font la lessive, non loin d'elle. Lorsque Hannatu raconte son histoire, les autres l'écoutent, attentives. Au total, cinq réfugiées de ce camp ont déclaré que leurs époux avaient été tués par les insurgés de Boko Haram, selon Jean-Marie Awono, responsable terrain à Maroua du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) qui s'occupe du camp de Minawao. «Mon mari a été abattu dans la nuit par les Boko Haram», se souvient une autre réfugiée chrétienne, Lydia, une jeune maman (33 ans) de cinq enfants. Assise à même le sol, Lydia narre péniblement son histoire, présentant encore des signes visibles de traumatisme. De sa main, elle fait de petits dessins sur le sol. Son mari a été assassiné il y a six mois maintenant, selon elle. En fuite au Cameroun depuis trois mois, elle n'a pas réussi à faire son deuil. «Je n'ai que mon mari dans mon cœur. Je m'en remets à Dieu. Je ne peux rien faire d'autre», confie-t-elle. «J'ai tout perdu. Mais ici (au camp), nous avons un abri. Tous les mois, la nourriture nous est distribuée, le savon aussi». «Je ne vois pas pourquoi je retournerais au Nigeria, où il y a des problèmes tout le temps», conclut-elle sombrement. Lady, 28 ans, est également veuve, seule à prendre soin de ses six enfants. Assise par terre près de Lydia, elle dit elle aussi que son mari a été abattu par les islamistes armés. «Je me trouvais déjà ici, au camp, lorsqu'on m'a téléphoné pour me dire que les Boko Haram l'ont tué», explique-t-elle. «Je n'ai pas pu voir son corps. J'avais peur de prendre la route. Il y a trop d'embuscades tendues par les Boko Haram». «Je pense tous les jours à mon mari, c'est la prière qui me permet de tenir. Qu'on tue les assassins de mon mari ou qu'on les laisse en vie, je confie tout à Dieu», assure Lady. Contrairement à elle, Hannatu espère que les meurtriers de son défunt époux paieront pour leur crime. «Mon souhait est que mon mari soit vengé», lâche-t-elle, en saluant l'action de l'armée nigériane qu'elle qualifie de «bonne». Depuis mai 2013, les forces nigérianes mènent une vaste offensive contre les insurgés islamistes, qui ne lâchent pas prise. Le conflit a fait fuir au moins 30 000 Nigérians au Cameroun, et bien plus encore au Niger. Au Cameroun, la plupart sont des femmes et des enfants.