Engagement ■ Cela fait 56 ans que le chahid Taleb Abderrahmane a été guillotiné (le 24 avril) à la prison de Serkadji. L'historien et chercheur, Mohamed Rebah, a évoqué, lors d'une rencontre à la bibliothèque Arts et Culture de la rue Didouche-Mourad et ce, à l'initiative de l'établissement Arts et Culture, le jeune «chimiste» de la Bataille d'Alger, enfant de la Casbah. La rencontre commémorative a été l'occasion, pour l'auteur du livre retraçant la vie du chahid, de parler de la déclaration de Taleb Abderrahmane, lue devant les magistrats militaires français au cours de son procès au mois de décembre 1957. Le conférencier a mis l'accent sur le courage héroïque du jeune homme parti à la fleur de l'âge et qui a osé, face à la mort, défier l'autorité française en ces termes : «On demande ma tête, encore et pour la troisième fois. Mais, Messieurs, je suis un mort en sursis et, croyez-moi, ma troisième condamnation à la peine capitale ne m'effrayera point. Je saurai mourir. Et, si vous avez à prononcer le verdict monstrueux qu'on réclame contre nous, soyez persuadés que la guillotine est pour nous ce que la Croix représente dans vos églises... L'Algérie sera libre envers et contre tout.» Mohamed Rebah s'est investi dans l'écriture d'écrits historiques sur la Guerre de Libération en remontant le temps, compilant des témoignages et accomplissant des investigations sur une période encore douloureuse pour nombre de personnes dont les cicatrices morales ou physiques demeurent encore comme un témoignage. Son premier livre sur une des pages de la Guerre de Libération est consacré à son frère Nouredine mort au maquis. C'est par l'intermédiaire de ce dernier, dira-t-il, qu'il a connu Taleb Abderrahmane natif de la Casbah comme eux et devenu ami de jeunesse. Au cours de sa conférence, il a rappelé que c'était une obligation morale que d'écrire sur Taleb Abderrahmane : «J'ai senti que j'avais une dette envers mon ami.» Perpétuer le souvenir par le biais de récits sur la base de recherches historiques s'apparente à une vocation pour Rebah. C'est ainsi qu'il a répondu à la question sur un prochain ouvrage lié à la Guerre de Libération : «J'ai en chantier un livre sur les centres de regroupement de la région cherchelloise entre 1958 et 1962.» Devoir et mission sont la clé d'écriture pour le conférencier afin de prolonger le souvenir de ceux et celles qui ont sacrifié leur vie pour l'Algérie. Mohamed Rebah a évoqué également Daniel Timsit, encore un devoir de mémoire que de rappeler le rôle joué par ce médecin de confession juive engagé dans le combat pour l'indépendance de l'Algérie. Il a mentionné les liens militants entre Daniel Timsit et le chimiste, mettant l'accent sur le rôle joué par Hassiba Ben Bouali dans le transport de produits chimiques envoyés par Timsit, responsable du laboratoire du FLN à Birkhadem vers Taleb Abderrahmane pour la fabrication des bombes. Mohamed Rebah l'infatigable fait partie désormais de ces écrivains devenus passeurs de mémoire.