Scène ■ L'univers de Bernarda Alba, personnage créé par Federico García Lorca pour sa pièce ‘La maison de Bernarda Alba', un texte adapté sur les planches, est extraordinaire, tant les personnages qui le composent sont fascinants, attachants, truculents. C'est un monde dit, conjugué au féminin ; c'est un monde composé uniquement de femmes aux personnalités différentes, divergentes ; toutes ont des caractères aux antagonismes bouleversants. Ce sont des femmes qui ont de la personnalité, du caractère et une forte charge émotionnelle. C'est un monde à fortes tonalités expressives, régi par des femmes. Et cet univers a fasciné Rabii Guichi, homme de théâtre. Il l'a marqué au point d'éprouver le besoin de réécrire le texte et de le titrer ‘El Qors el asfar' (Le rayon jaune). Conçue et mise en scène par Rabii Guichi sur un texte de Fathi Kafi, la pièce ‘El qors el asfar', jouée jeudi, auThéâtre national algérien (TNA), n'est pas une énième adaptation de ‘La maison de Bernarda Alba', mais une réécriture libre, spontanée, celle du moment et de l'instantané. Il s'agit de reproduire cette force qui fait régir l'univers de Bernarda Alba, de transposer cette énergie dans un autre environnement, celui d'un futur apocalyptique, et de faire ressentir cette intensité qui se dégage, telle de fulgurantes pulsations, des rapports tumultueux qu'entretiennent entre elles les filles de Bernarda Alba et avec leur mère, autoritaire, intransigeante, voire impitoyable, dépourvue de tous sentiments. Dans ‘El qors el asfar», une pièce produite par le Théâtre régional de Mascara, on est dans un futur imaginé, mais qui pourrait avoir lieu. Et contrairement au texte originel, dans cette présente pièce l'élément masculin existe. Il est là ; sa présence est permanente, mais reléguée au second rang. L'esprit de «l'univers de Bernada Alba» y est toujours. Il est persistant, tenace, opiniâtre. Dans «El qors el Asfar», on est dans un futur apocalyptique : l'humanité est menacé et ce, à cause de la supposée extinction du soleil. Cette nouvelle réalité suggère un avenir démuni d'amour et d'humanisme. Elle donne un aperçu sur le monde de demain, en l'absence de solidarité entre les individus et les nations, dans une métaphore où la disparition de la faune et de la flore pousserait l'homme, en quête de survie, à l'égocentrisme et l'indifférence. En outre, le monde est régi par les femmes. Ces dernières vont exercer une autorité sur les hommes à tel point qu'ils deviennent presque sans vie, sans volonté. Les personnages ont évolué dans un environnement marqué par les conséquences d'un soleil démissionnaire, qui a instauré un ordre impitoyable et démesuré. Ils évoluent dans un univers froid, dépourvu de sentiments, d'harmonie et de poésie. Même le texte est démuni de métaphores et d'images. L'émotion y est inexistante. Ce monde froid et insensible qui illustre des atmosphères lugubres et des ambiances de détresse a été rehaussé par une musique bien recherchée, signée Hassen Amamra, et soutenue par un bon agencement de l'éclairage.