Souvenir A l?occasion du mois sacré et des fêtes religieuses, toutes les voisines se mobilisaient pour le grand blanchissement de la maison. «Un mois avant le ramadan, au mois de Châabane, toutes les voisines mettaient la main à la pâte», se rappelle khalti Baya. «Nous badigeonnions à la chaux l?ensemble des murs de la maison. Chaque femme peignait sa chambre. Quant aux espaces communs, toutes s?y mettaient. Arrivées à la terrasse, on faisait etekhila (peindre les pourtours du carrelage en blanc).» «Pendant le ramadan, nous nous organisions autrement, mais sans déroger aux règles préconçues. Edala est toujours de mise. Cela dit, les jeunes femmes se lèvent un peu plus tard. Elles allument leurs kanouns, en général deux, et préparent leur dîner : chorba, tadjin, salade de poivron, salade verte et chtithet ou teghmissa (plats en sauce qui accompagnent le déjeuner du ramadan à base de foie, de cervelle ou de c?ur de mouton). Pendant que l?entrée et le plat de résistance mijotaient, nous passions au ménage et à la lessive. A midi, tout devait être en place, plus de ménage. Une jeune femme qui n?arrivait pas à finir son ménage à midi était la risée du voisinage.» Khalti Baya poursuit : «Si ces femmes avaient des enfants, elles leur donnaient à déjeuner, mais s?ils faisaient le carême, elles s?attelaient à d?autres occupations, tout en surveillant leurs marmites.» A l?approche de la rupture du jeûne, les femmes faisaient cuire leurs boureks qu?elles avaient préparés le matin, car «avant, les femmes préparaient, elles-mêmes, leurs diouls. Aujourd?hui, on les achète ou on les fabrique industriellement» Et d?ironiser : «On dirait du carton.» A l?heure de la rupture du jeûne, une ambiance particulière régnait dans la vieille ville d?Alger. «Des coups de canon marquaient cet instant suivi du adhan», évoque, nostalgique, notre interlocutrice. «Les soirées de ramadan étaient particulières, c?est seulement au 10e jour que les sorties et les invitations mutuelles commençaient. Les dix premiers jours, nous nous contentions des soirées entre voisines.» Lors de ces soirées, on évoquait le temps passé, pendant que les hommes sirotaient un thé à la menthe dans les cafés en jouant aux cartes ou aux dominos. Khalti Zhour, une autre vieille native de La Casbah, nous raconte : «Il nous plaisait souvent de jouer à la bouqala, jusqu?au s?hour. Alors, chacune rejoignait sa petite demeure pour ce repas.» Aujourd?hui, ces traditions sont en voie de disparition. «Les gens se terrent chez eux. Le ramadan n?a plus le même goût», déplore khalti Baya.