Regard ■ Troisième long métrage du réalisateur, la dernière production cinématographique de Teguia interpelle sur le remodèlement du monde par les peuples ou les Etats-Unis. Cependant, le cinéaste, quelques instants avant la projection, hier, à la salle Ibn Zeidoun (Office de Riad el-feth), avertit l'assistance sur le thème du film : «Je l'ai réalisé bien avant ce qu'on appelle les printemps arabes.» Un éclaircissement pour écarter toute équivoque qui pourrait donner une autre lecture de l'œuvre du cinéaste qu'est ‘Révolution Zendj'. Alger. Un journaliste part pour la vallée du M'zab enquêter sur les émeutes qui secouent la région. Un morceau de l'Algérie qui, jusque-là, vivait en harmonie avec sa population et qui se voit, d'un jour à l'autre, basculer dans la violence et la revendication de revenir à ce qu'il a été durant des siècles, une vallée libre et heureuse. Ibn Batouta, le journaliste, un surnom que lui donnent ses collègues pour ses pérégrinations, entend pour la première fois parler des Zendj. Ces esclaves noirs d'Irak et leur soulèvement contre l'ordre arbitraire du califat abbasside en l'an 869. Ce ne sera plus du journalisme, mais une quête à travers le pourtour de la Méditerranée et le monde arabe. N''est-ce pas le propre de la personnalité de Chams Eddine Ibn Batouta explorateur et voyageur d'origine berbère ? Notre Ibn Batouta des temps modernes va explorer les remous et rechercher la liberté au sein des pays en mal de démocratie. La Grèce et les revendications estudiantines, des manifestations contre une mondialisation déferlante mettant au pas les Etats et les peuples sauf une poignée d'irréductibles. Puis Beyrouth à moitié heureuse. Le Liban sur le qui-vive et ses plaies toujours béantes, Bagdad mise à genoux par un dictateur et doublement humiliée par une armée et des Américains maîtres du monde. Babylone avec sa grande histoire tourmentée depuis la nuit des temps. Les USA et leur superbe arrogance. Enfin la Palestine. Terre martyre et martyrisée. Ses enfants en exil, forcés au bannissement imposé par l'Occident il y a 80 ans. Puis survient la main du destin... Le hasard réunissant Nahla, Palestinienne de Grèce avec Ibn Batouta l'Algérien. Elle et ses potes grecs ont amassé des sommes d'argent pour la cause palestinienne. Lui avec sa recherche des Zendjs, leur disparition. Puis, la quête de nouvelles et grandes espérances pour le renouveau de l'humanité. Des peuples retrouvant leur dignité. Réaliste le film. Politique dans toute sa dimension. Avec un regard direct, abrupt, rationnel mais non pas dépourvu de poésie. Un amour telle une fleur éphémère le traverse. Une belle émotion. Une œuvre puissante. Forte en questionnements et idéaux politiques. Des prises de vue presque toutes filmées dans la pénombre, au crépuscule, la nuit et au petit jour mettant en relief cette perception de mouvements politiques toujours en alerte pour les libertés. Nahla l'étudiante de Grèce serait-elle la descendante de ‘Nahla', l'aînée, un film de Beloufa Farouk tourné en 1978 et où l'animateur de l'émission «Expression livres», Youcef Sayeh, joue le rôle d'un journaliste algérien durant la guerre civile au Liban. Une sorte de continuité liée au devenir du Proche-Orient. La casquette vissée sur la tête, le mot direct, Tariq Teguia ne veut pas se prononcer sur une sortie du film à Alger, vu «l'état des salles de cinéma», cela pour une première approche durant le débat. Quant aux conditions de réalisation, il signalera que cela ne s'est pas fait sans avoir affronter nombre de difficultés et que cela a duré 3 ans. S'exprimant sur la trame il dira : «Tout le monde a compris qu'on a voulu montrer que ce qui se passe au Sud se déroule également au Nord, c'est réunir tous les combats et les luttes des droits de l'homme. C'est une réponse à la mondialisation des luttes.» Le monde capitaliste n'est pas en reste, puisqu'il définit le comportement des agents américains et leur théorie de suprématie sur le reste du monde comme «caricaturaux» Coproduit par l'Algérie, la France, le Liban et le Qatar, ‘Révolution Zendj' a été, en décembre 2013, présenté en avant-première mondiale au Festival international du cinéma de Rome. Il a été primé au Grand Prix du 28e Festival international de Belfort (France) et a reçu le «Prix Scribe pour le cinéma». Il sera en compétition au deuxième Festival du cinéma maghrébin qi se déroulera à Alger du 4 au 11 juin prochains.