Vision ■ L'écriture, de par le langage qu'elle véhicule, se veut un acte libérateur, pour certains elle est subversive tant les thèmes abordés transgressent les codes préétablis. Amin Zaoui, ancien directeur de la Bibliothèque nationale, envisage l'écriture comme un moyen lui permettant de s'affranchir de la pesanteur sociale. «L'écriture aide l'écrivain à se libérer des contraintes sociales», dit-il lors d'une rencontre au 7e Festival international de la littérature et du livre de jeunesse, qui se tient à l'esplanade de Riad-El-Feth. Pour lui, l'acte de l'écriture libère l'imagination, rend les propos plus naturels, et les situations décrites encore plus vraies. Amin Zaoui explique, en outre, que l'écriture est, pour lui, «une forme d'existence». Autrement dit, l'écriture permet à l'écrivain d'affirmer une existence, la sienne, en tant que sujet parlant et pensant ; une existence à laquelle ce dernier s'identifie de manière effective et durable, parce que cette dernière (l'existence) est à chaque fois renouvelée, réitérée de façon à assurer l'existence du je-écrivant. Amin Zaoui, qui écrit, d'après lui, comme il respire, estime que l'écriture repose sur deux choses, à savoir la spontanéité, donc la sincérité, et le savoir, c'est-à-dire une connaissance juste et directe du sujet – et de ses principes – que l'écrivain s'emploie à aborder et à développer au fil des pages. «L'écrivain doit connaître et ressentir, donc maîtriser le sujet qu'il va aborder», dit celui qui s'intéresse, dans son travail d'écriture, à toutes les préoccupations de la société, préoccupations par lesquelles il est concerné, parce qu'il fait partie de cette société qui l'habite. «J'ai évoqué le sujet de la religion, les contradictions de la société algérienne, le charme des femmes, etc. Je pense que celui qui ne maîtrise pas un sujet ne doit pas s'engager dans son traitement et son développement», précise-t-il. Sur ce dernier point, Amin Zaoui appelle à ce que les écrivains évitent les provocations gratuites, c'est-à-dire faire davantage de sincérité, donc d'honnêteté intellectuelle. Toutefois, il est permis d'œuvrer dans la provocation lorsque celle-ci est justifiée, positive, constructive, servant à lever le voile sur des situations, à dire des vérités. Considérant la littérature comme «la prise de position du côté de la liberté» et que celle-ci est une provocation, Amin Zaoui soutient qu'«il n'y a pas de littérature sans liberté», et souligne, du coup, qu'il lui est impossible d'imaginer un texte avec des aménagements, en fonction des convenances d'une période historique donnée, de la société ou du pouvoir en place. Ainsi, en littérature, on ne peut être que provocateur. Amin Zaoui estime qu'en écrivant, un écrivain n'apporte pas de réponses. «Les romans de renom sont ceux qui posent des problématiques, pas ceux qui apportent des réponses», dit-il. Ainsi, la littérature ne peut pas constituer une réponse à une situation donnée. «Ecrire n'est nullement une réponse à quelqu'un ou à une situation conjoncturelle. Quand j'écris, je mets l'Algérie au centre de mon interrogation, j'essaie de donner ma vision sur mon pays et la société à laquelle j'appartiens. La littérature est une existence», dit celui qui écrit en français et en arabe, deux registres linguistiques dans lesquels il se sent à l'aise et qui lui assurent une ouverture sur l'autre, donc d'esprit. S'exprimant sur son bilinguisme, Amin Zaoui déclare : «Il est indéniablement une ouverture sur la culture de l'autre», et de renchérir : «L'être, éminemment social, a beaucoup de choses à apprendre de l'autre.» Celui qui estime que «toute langue a ses propres délices» explique : «J'écris de droite à gauche ou de gauche à droite, je véhicule le même message. J'écris avec un esprit algérien.»