Histoire ■ Une commémoration chargée de tristes souvenirs pour les survivants qui ont ému l'assistance au Centre des loisirs culturels arts et culture du quartier Agha. C'est sous la houlette de l'infatigable Mohamed Rebah, historien, et pèlerin contre l'oubli, de l'histoire de la guerre d'Indépendance que s'est tenue cette rencontre. Ils étaient trois, Salah Melzi, Redouane Bennani et Mohamed Bourahla. Des messieurs-tout-le-monde pour ceux qui ne les connaissent pas. Des valeureux parmi des dizaines d'autres que compte l'Algérie des anonymes. Avoir connu les affres de l'attente dans les couloirs de la mort, Serkadji et la torture, Serkadji et les aubes de la guillotine, la foi en la fin de la lutte de libération, voir partir ses frères non pas en un adieu mais avec un au revoir et la certitude de se retrouver dans l'Au-delà, le bruit du couperet qui tombe... Des pages de vie encore vivaces, qu'ils portent en eux. Eux dont l'existence se conjugue avec les hauts faits qu'ils ont réalisés, alors qu'aujourd'hui ils vivent dans l'ombre, ignorés, eux les inconnus du grand public. Hier, au centre des activités de l'Etablissement arts et culture Agha, on a vu des hommes qui ont affronté une armée puissante, subir les supplices, survivre à des années de guerre et de militantisme clandestin, on les a vus pleurer au souvenir de leurs compagnons partis en martyrs. Redouane Bennani, à la carrure d'athlète, n'a pu retenir son émotion au souvenir de son compagnon d'armes, son binôme Yahia Briki, originaire d'Akbou. À plusieurs reprises, Redouane Bennani laissera ses larmes couler s'excusant face à l'assistance. Yahia Briki, journaliste à Alger Républicain, reporter et militant, après sa rencontre historique avec le colonel Amirouche, vendu par une taupe sera fait prisonnier. Sa fin tragique due à une erreur de maniement d'armes a marqué à jamais, Redouane, ce natif de Saint-Eugène. Combien sont-ils à connaître Yahia Briki et sa stature valeureuse ? Les larmes de Bennani ont tout dit. L'intervention de Salah Melzi est non moins douloureuse, puisqu'il a vu son frère Chafik Melzi, ancien du Malg, prisonnier dans la même cellule que lui, partir à la guillotine. Chafik dont la photo représente un homme au physique de jeune premier, «a subi les pires supplices et même celui de la mer à Padovani et encore le sérum de vérité», expliquera Si Salah. Le chahid Chafik Melzi tiendra tête au juge français jusqu'à la dernière minute. Il est guillotiné en 1957. La famille Melzi d'El-Biar fait partie de ces familles algériennes qui ont payé un lourd tribu de souffrances pour que l'Algérie vienne à hisser son drapeau frappé de l'étoile et du croissant. Elle a vu quatre de ses fils être condamnés à la peine de mort. Le retour sur un passé douloureux, les trois septuagénaires n'en ont rien oublié. Ils portent en eux cette période glorieuse et parsemée de souffrances mais aussi d'espoir. Ils ont également exprimé le vœu pour une écriture impartiale de l'histoire de la Révolution et de toutes les étapes phares avec leurs lots des «premiers chouhada». Dans la salle on a soulevé le sort réservé à Badache Benhamdi, un des nombreux condamnés à mort algériens pour avoir tiré sur Amédée, maire de Boufarik. Badache qui résidait dans le plus grand bidonville d'Alger en l'occurrence «Mahiedine», issu de Boussaâda reste jusqu'à présent un martyr anonyme : «C'est scandaleux de voir que des chouhada comme lui et Ali la Pointe reposent dans des tombes effondrées sinon anéanties par l'indifférence», s'est écrié un résident de ce quartier d'Alger. Notons que les habitants de la cité Mahiedine se sont organisés pour sortir de l'oubli un des leurs en attendant que les autorités répondent à leur requête. La Journée des anciens condamnés à mort célébrée tous les 19 juin de chaque année fait référence à Ahmed Zabana premier algérien à avoir été guillotiné le mois de juin 1957 en même temps qu'Abdelkader Ferradj. Des exécutions qui ont enclenché la Bataille d'Alger. Ne les laissons pas partir sans qu'ils laissent des écrits destinés aux générations futures . «Nous avons beaucoup à dire», soulignera l'un d'eux.