Nouvelle Un jeune bidasse apprend dans la caserne qu?il fait l?objet d?un solide mandat d?arrêt? Il est de suite pris d?une peur bleue. Reprenant ses esprits, il maudit Satan comme on le fait dans son douar puis effectue un galop à travers les baraquements en quête d?un conseil susceptible de le tirer de ce pétrin qui pointe le bout du nez et qui s?appelle la prison. On lui conseille de constituer un avocat. Ce qu?il fit. L?homme de loi lui dit d?abord l?obligation de vider le mandat d?arrêt i-e - passer une nuit ou plus en taule pour être prêt à affronter le juge. L?avocat fait opposition car son client a été jugé et condamné par défaut, c?est-à-dire qu?il était absent lors des débats. L?avocat jette un coup d??il au dossier. Son client est inculpé de recel d?objets volés ! Lamine C. apprend aussi que outre le mandat d?arrêt, la peine de prison de trois ans ferme avait été prononcée par le tribunal de Koléa (cour de Blida). C. Lamine a encore plus peur. Me Laceb le rassure un tant soit peu, en sa qualité d?avocat de la défense. D?ailleurs, en homme de loi averti, Me Ouali Laceb présente son client au parquet. Mehdi Zemouri, le procureur, apprendra au futur détenu que deux gus ont donné son nom. Le PV existe. «Ils seront à l?audience le jour J», informe le parquetier sans arrière-pensée. A la barre, Benaïda, le juge entre d?emblée dans l?affaire : «Alors, jeune homme, vous connaissez ces deux gars ? Ils vous auraient refilés un poste TV et d?autres trucs volés?», tonne le président qui aperçoit au passage que Abdehafidh T. et Toufik H. gigotaient. Ils voulaient probablement placer un mot. Le magistrat s?attend à une info. Coup de théâtre juste après qu?il leur eut donné la parole dans une ambiance glacée : «Il n?y est pour rien, ce Lamine. Je regrette d?avoir cité son nom», dit Toufik, le plus jeune. «C?est sous les coups abrutissants que j?ai suivi mon copain en donnant Lamine. Nous ne lui avons rien vendu», renchérit le second témoin, sûr de lui. Le président commence à saisir les tenants et les aboutissants du dossier. Il a vu la tête des deux jeunes témoins? Mais en magistrat rompu aux scènes tragi- comiques de certains inculpés ou témoins, le juge avertit qu?il n?est pas dans cette salle en vue de verser des larmes de croco, parce que deux jeunes témoins, venus directement de prison, confirmer leurs dires, en l?absence de Lamine disaient n?importe quoi - Benaïda semble ironiser : «Puisqu?on vous a maltraité lors de l?interro, pourquoi ne pas avoir consulté un médecin et poursuivi vos «tortionnaires», si votre version est vraie ?» Le silence des deux jeunes semblaient dire : «Vous pensez bien M. le juge que ce que vous venez de débiter relève de la science-fiction.» Il ne doit pas savoir grand-chose sur la peur «millénaire du flic et du gendarme qui habite chaque Algérien et ses artères». Zemouri demande la confirmation du jugement juste après que l?inculpé eut ajouté qu?il n?était pour rien dans ce dossier et qu?il voulait seulement retrouver la liberté et l?uniforme. Me Lacet intervient énergiquement. Il rejette d?entrée les demandes du ministère public. Il revient sur la torture des deux témoins qu?on a poussé à dire n?importe quoi. «Ils ont volé. Ils ont écoulé la marchandise volée, mais n?ont rien cédé à mon client», s?écrie l?avocat qui tient par l?avant-bras Lamine comme un père le ferait avec son bambin. Il marque une pause? Puis le conseil revient sur les circonstances qui ont fait que Lamine n?avait pas répondu aux convocations : «Il ne savait pas. Il n?avait rien reçu. Il ignorait tout sur ce qui se passait dehors. Il était à la caserne ! Il en est sorti pour se diriger vers la justice car il est innocent et est prêt à répondre à toutes les interrogations du tribunal. Il est sûr de lui. Il n?a rien acquis. Ni poste TV ni autre objet volé. La relaxe est la meilleure preuve que Lamine n?y était pour rien», a jeté Me Laceb dans un silence de mosquée un vendredi quatorze heures. Benaïda ne perd pas de temps : il relaxe Lamine qui voit son avocat sourire en ce midi frais.