Résumé de la 2e partie Les deux garçons ont beaucoup de peine à parvenir jusqu'au train d'atterrissage. Le souffle des réacteurs les brûle et les repousse en arrière. Armando escalade le premier pneu, s'accrochant aux larges échancrures dans le caoutchouc. Il saisit la jambe du train, y grimpe comme sur un arbre et se retrouve dans le logement creux. Tout est noir, il n'y voit rien. Il sent des barres métalliques, des câbles, tâtonne au hasard, se contorsionne, arrive à se coincer tout en haut du compartiment. Tout cela dans un vacarme infernal, se disant que d'une seconde à l'autre, l'avion va décoller ! Il voit Jorge sous lui, qui a grimpé sur la même roue, essayant d'escalader le train. Il veut lui faire comprendre qu'il n'y aura jamais de place pour deux, hurle, mais le bruit devient si assourdissant qu'il a l'impression que sa tête va éclater ! Détail qui montre à quel point tous deux sont encore des enfants : ils n'ont pensé qu'à une seule chose, se mettre du coton dans les oreilles... Bien entendu, c'est comme s'ils n'avaient rien. Armando, désespérément, fait signe avec son bras libre car il se retient de l'autre. Ce signe voudrait dire à Jorge : «Va-t'en ! Dépêche-toi de grimper sur l?autre roue.» Mais il fait sombre dans le logement et Jorge, occupé à grimper frénétiquement, ne voit rien ! Le rugissement des quatre réacteurs monte et s'enfle encore d'un seul coup. Ils n'auraient pas cru qu'un pareil bruit était possible. Armando, agrippé, sent deux ou trois secousses qui balancent légèrement l'appareil. Il va décoller ! Alors, il repousse son camarade de la jambe, pour lui faire comprendre qu'ils ne tiendront pas là tous les deux. Enfin, Jorge a compris ! Il redescend comme un fou, retombe sur les deux grosses roues, saute sur le béton mouillé et disparaît. «Il va courir vers l'autre train, pense Armando, pourvu qu'il ait le temps.» Une dizaine de secondes plus tard, c'est le décollage. Tout n'est plus qu'un bruit ! Armando a l'impression que ce bruit terrifiant pénètre dans sa peau et ses os. Agrippé il ne sait pas à quoi, il voit les deux gigantesques roues commencer à rouler sous lui, en même temps que le béton mouillé défile de plus en plus vite. Il murmure mentalement, en espagnol : «A la gracia de Dios?» Au moment où il sent que les deux roues viennent de quitter le béton, il pense à Jorge, se demandant s'il a pu grimper dans l'autre train d'atterrissage ou s'il est resté sur le terrain. Mais voilà qu'il sent bouger des choses et que les deux roues qui doivent peser cinq cents kilos chacune remontent vers lui. «Cette fois, se dit Armando, elles m'écrasent. C'est Jorge qui avait raison.» Il se rend soudain compte de sa folie, essaie de se plaquer le plus possible en haut du logement, se tenant à une sorte de barre, se tortillant comme un ver pour s'incruster entre les réseaux de câbles et de tubes. A mesure que les roues remontent, son réduit s'assombrit. Au moment où il pense qu'il va être écrasé, dans un réflexe épouvanté, il laisse retomber ses jambes et essaie de repousser du pied les énormes pneumatiques ! Effort dérisoire : ils finissent de remonter jusqu'en haut. Les portes se referment. Armando se retrouve dans le noir, coincé comme une souris dans un enchevêtrement de canalisations, de tringlerie. L'énorme rugissement des réacteurs s'est à peine atténué à la fermeture des portes. Bizarrement, il sent une chaleur. Son genou touche le gros caoutchouc, juste sous lui ; il est brûlant d'avoir roulé sur le béton. C'est ce qui le retient de se reposer un instant sur le pneu, le temps d'attacher sa corde quelque part. Heureusement ! A peine l'a-t-il passée autour d'une espèce de tuyauterie près de sa tête que les portes s'ouvrent de nouveau sous lui et que les roues redescendent. «Ça y est, pense Armando, ils se sont rendu compte de quelque chose, l'avion va se reposer. La police doit nous attendre en bas.» Par la trappe sous lui, de chaque côté des roues, il voit des lumières défiler dans la nuit tombante : l'avion survole Cuba. Il s'attend à le sentir amorcer un virage, mais non : il monte toujours en ligne droite, semble-t-il, et voilà que de nouveau, les roues remontent. (à suivre...)