Résumé de la 1re partie Le 27 août 1957 le capitaine Brizuela part à la retraite et doit quitter son bateau, le «Ciudad de Buenos Aires». Vers onze heures trente, le capitaine Brizuela décide de rejoindre sa cabine. Le «Ciudad» vient de parcourir cent vingt kilomètres depuis Buenos Aires. Les rives se rapprochent. Dans une demi-heure, on atteindra le confluent du rio Parana et du rio Uruguay qui forment le rio de la Plata. II pense recommander encore à l'officier en second de bien rester au milieu du chenal. Il est souvent arrivé qu'on talonne sur les bancs de sable. Sur sa couchette, le capitaine écoute à la radio le dernier bulletin d?informations du soir. Puis il se lève pour aller tourner le bouton. C?est alors que, jetant un coup d??il par le hublot, il aperçoit une lueur dans la brume. Il pense aussitôt à l?«Andrea Doria» qui vient d?être éperonné par le «Stockholm» dans l?Atlantique. Il y a eu cinquante morts. Il attrape machinalement sa casquette et court en pyjama vers la timonerie. Trop tard ! Une étrave énorme avance sur le «Ciudad», le surplombant de plus de six mètres. Le «Ciudad» défile un instant devant l?énorme proue puis il y a un formidable choc à tribord arrière. Bousculé, le capitaine se relève et pense aussitôt : «A l?arrière, c?est la salle de restaurant où les gens finissent de dîner ! Le choc a sans doute eu lieu à l?endroit où se trouve le bar, plein de monde. L?énorme proue a pénétré profondément. Il y a sûrement des blessés et même des morts.» Le capitaine pense aussi à la déchirure par où l?eau doit déjà s?engouffrer. Pendant que s?élève la clameur des passagers, il court vers la passerelle. Dans la chambre de veille, l?officier de quart et le timonier se tournent vers lui. Inutile de leur demander ce qui s?est passé : d?un coup d??il, le capitaine a compris. Ils ont voulu éviter le grand navire d?un coup de barre. Mai au lieu de virer à tribord, de crainte de talonner sur le sable, ils ont viré à bâbord, vers l?eau profonde du chenal. Ils ont ainsi offert le flanc droit du «Ciudad» à l?étrave de l?abordeur. Le capitaine n?attend pas le rapport du mécanicien. Il sait que l?eau doit déjà envahir la salle des machines. Il lance un ordre : «Ouvrez les valves des chaudières ! Il faut avant tout éviter l?explosion.» Aussitôt après, le capitaine ordonne : «Evacuez le navire !» Déjà, les officiers se déploient sur le pont pour appliquer les consignes d?évacuation. On y voit comme en plein jour. Le navire abordeur vient d?allumer ses projecteurs et fait hurler ses sirènes. En courant vers la radio, le capitaine passe devant la chambre du radar. Il se dit : « Ce radar pouvait tout empêcher ! C?est ma faute ! Je n?ai pas appris à mes officiers à s?en servir...» Le radio, dans le chaos de son poste détruit, le voit à peine entrer. Eperdument, sur un poste de secours, il lance des SOS. Le capitaine remonte sur le pont, espérant qu?on est en train de mettre les canots de sauvetage à l?eau. En même temps, il espère que le navire abordeur va envoyer les siens. Mais en se penchant à la coupée, il constate ce qu?il craignait : le courant est terrible. L?abordage a eu lieu au plus mauvais endroit, là où le courant des deux fleuves se rencontre. Horrifié, Brizuela voit des gens se débattre, emportés vers la mer : des passagers qui sommeillaient sur des bancs du pont inférieur et qui dû être projetés à l?eau? La plupart de ceux-là ne s?en sortiront pas. A cause de ce courant, ce qui pourrait n?être qu?un incident grave se transforme déjà en catastrophe. Sur le pont, les passagers commencent à céder à l?affolement. L?Italien (voir 1re partie) porte son enfant sur un bras et tient sa femme de l?autre. Des profondeurs du vieux «Ciudad» monte une marée humaine. Le riche éleveur qui voulait une cabine pour lui seul a aidé le passager qu?on avait mis avec lui à monter sur le pont, malgré sa jambe dans le plâtre. La bousculade vient de les séparer. Les marins viennent de dénouer les filins qui retiennent les canots de sauvetage. Mais les canots ne bougent pas. Les passagers s?en rendent compte. Les bossoirs ne tournent plus, pas plus que les poulies. Les filins ne glissent même plus, surchargés, raidis par les couches de peinture successives. Des centaines de regards se tournent vers le capitaine Brizuela, chargés d?épouvante et de reproche. (à suivre...)