Ammi Mohamed est âgé de 65 ans. Il a été pêcheur, footballeur et fonctionnaire à l?APC de Bou Ismaïl. Il évoque le «Petit Paris» avec nostalgie. Mohamed Yahiaoui est né à Khemisti (ex-Chiffalo). Il a fréquenté l?école de la rue. «Une école dans laquelle on apprend tout», dira-t-il. Ammi Mohamed était un ancien footballeur de l?équipe de Castiglione : l?Olympique du Littoral (OL), aux couleurs jaune et noir. Il avait à peine 17 ans. Il avait occupé tous les postes de 1957 à 1970, puis à l?USMM et au CNB (Club national de Bou Ismaïl), des clubs de Bou Ismaïl. Son ami, âmmi Boualem témoigne pour lui : «Ce n?était pas facile de décrocher sa place avec les Français. Mohamed a réussi brillamment. Il était notre fierté.» Ammi Mohamed parlera de son enfance : «On allait chercher du pain dans les décharges publiques pour manger. Nous étions pauvres. Nous ne connaissions pas l?Aïd.» Il a fréquenté l?école jusqu?à 13 ans. Au certificat d?études, il décida de quitter l?école pour travailler et aider sa famille. Il deviendra mousse sur un bateau. «A 16 ans, je me mets à la pêche au port de Khemisti, appelé autrefois Chiffalo, à 2 km de Bou Ismaïl. Il était aussi à vocation vinicole», note âmmi Mohamed. Il ajoutera : «Les Italiens, des Siciliens, accostaient leurs bateaux. Ils étaient nombreux sur tout le littoral algérien.» En revanche, précisera-t-il, «Castiglione était à vocation touristique. On l?appelait le "Petit Paris". C?était réellement le "Petit Paris", avec son esplanade, sa salle des fêtes, son aquarium et son boulevard.» Et de nous demander : «Connaissez-vous la mascotte de cette ville ?» «L?hippocampe.» «L?hippocampe était un porte-bonheur. Les anciens marins le séchaient et le mettaient soigneusement dans leur portefeuille. Ils disaient que c?était leur porte-bonheur.» Et de faire remarquer qu?il a fait de même, mais sans pour autant avoir de la chance.«On sortait 8 mois sur 12 en mer, tout dépendait de la prise, parfois on ne ramenait rien», souligne-t-il. Pendant sa jeunesse, âmmi Mohamed a connu le meilleur comme le pire : «Pendant cinq jours, j?ai dormi dans une salière, sur du sel. J?ai aussi dormi avec l?ghola (l?ogresse, mais ici, il s?agit de la djiniya). J?entendais des voix.» Il reviendra à ses souvenirs de pêcheur : «On conversait avec la mer. C?est toute une histoire notre conversation. Vous savez chaque année, la mer emportait des gens dans sa colère. On disait qu?elle se déchaînait. Elle se mettait en colère et elle nous le faisait savoir.» Ammi Mohamed regrette cette époque où «chaque samedi, des camions de pompiers nettoyaient les artères de la ville à grande eau». Ammi Mohamed est, aussi, depuis 40 ans, fonctionnaire à l?APC. Il était chef de service. Aujourd?hui, après une retraite bien méritée depuis mars 2001, il est toujours en tant que vacataire, au service du patrimoine de la commune. Pendant quelques années, ce sexagénaire travaillait la journée à l?APC et sortait en mer la nuit. Cela, hélas n?a pas duré. Dans les années 1960 et 1970, âmmi Mohamed avait la charge de louer les voûtes du bord de mer, situées au-dessous du boulevard. Avec l?APC-FIS, les voûtes n?ont plus reçu d?estivants. Il signalera qu?«en 1990, les gens ont remis les clés. Il était question d?un programme de reconstruction ailleurs, mais il n?y a rien eu. Le boulevard a été détruit, il y a cinq ou six ans». Il espère, toutefois, que dans 3 ou 4 ans, «Bou Ismaïl revivra».