L'ennui ? La dépendance matérielle ? Mohamed, un jeune de 20 ans, ne semble pas savoir ce que c'est. Pourtant tout paraît le prédestiner à une vie terne et misérable : le chômage, le désœuvrement, la misère. Ce qui l'a sauvé de sombrer dans cet état, qui est celui de nombreux jeunes, c'est sa capacité à se débrouiller. Né débrouillard, Mohamed tire ressource de tout. Le barbeau (gros poisson d'eau douce à la chair prisée) abondant au barrage d'El Amaria, entre Sidi Naâmane et Berroughia, notre jeune chômeur a vu tout de suite le parti qu'il pouvait en tirer en acceptant de devenir pêcheur. Il n'est d'ailleurs pas le seul à s'adonner à cette activité, qui allait bientôt se révéler lucrative pour lui. Ils sont quelque 70 jeunes à se rendre chaque soir au barrage emportant repas et matériel de pêche avec eux. Puis, installés sur les bords du barrage poissonneux, ils passent la nuit à se livrer à ce jeu favori. Au lever du jour, la partie s'arrête et Mohamed, comme tant de jeunes pêcheurs, peut rentrer chez lui avec son butin. « J'attrape entre 10 et 12 poissons par nuit », nous affirme-t-il. Dès 9h, Mohamed est à la rue Mohamed Chahid, l'une des plus commerçantes de la ville de Bouira. Entre deux étals de fruits, il expose dans une cagette le produit de sa pêche. Cette combine marche si bien qu'il lui arrive d'écouler toute la marchandise avant midi. Celle-ci est vendue à la pièce, non à la pesée. La pièce fait 120 DA. Compte tenu de la rapidité avec laquelle la marchandise est écoulée, on ne peu accuser notre jeune pêcheur de faire une mauvaise affaire. De combien de chômeurs pourrait-on en dire autant sans être démenti ?