Exil Après plus de 30 ans de carrière, Madjid Soula, l'enfant terrible de la Soummam, reste l'un des interprètes les plus connus de la chanson moderne kabyle. InfoSoir : Après des années d'exil, vous revenez au pays natal. Quel sentiment éprouvez-vous ? Madjid Soula : J'ai reçu un accueil triomphal en Kabylie. Sincèrement, cela me remonte le moral. C'est une forme de reconnaissance pour l'artiste. Ce n?est qu'une escale. Je repartirai bientôt. C'est pour mieux travailler à l?étranger. 13 ans d'absence, c'est beaucoup ! Avez-vous choisi l'exil volontairement ? Chaque fois que j'entame un travail artistique, la conjoncture le bloque. Mon style dérange beaucoup. Je suis parti car je ne peux faire de l'art ici. C'est malheureux d'être artiste en Algérie ! A chaque fois que j'essaye d'avancer, je me retrouve seul. Mon style est très difficile. Je fais de la recherche pour retrouver des notes berbères. Je veux donner un cachet universel à la chanson kabyle. Qu'avez-vous fait d?intéressant durant votre long séjour en France ? J'ai créé. J'ai réalisé deux albums : Kabylie, mon amour et Dyhia. Le premier est un hommage au Printemps noir de Kabylie, à tous ces jeunes tombés sous les balles du pouvoir. Ces innocents à la fleur de l'âge sont tombés pour que demain nous vivions peut-être en véritable démocratie. La Kabylie, c'est aussi l?AIgérie. Le second est un hommage à Dyhia, cette femme libre et rebelle, et à tout ce qui est berbère. Mon objectif, c'est d'?uvrer pour l'intérêt de ma culture et de l'Algérie entière. J'ai également monté mon propre studio d'enregistrement (Home studio) à Paris. Pourquoi avez-vous refusé de participer à l'Année de l'Algérie en France ? Ma conscience ne me permettait pas d?y participer. Il y a eu une répression en Kabylie. Je ne pouvais pas être avec le même pouvoir qui essayait de faire passer en France un visage de démocratie et qui réprimait en Kabylie en particulier et en Algérie en général. Il faudrait une année de la France en Algérie car on ne rencontre plus de Françaises et de Français dans nos rues et les artistes français pourraient apporter une bouffée d'oxygène aux Algériens meurtris par toutes ces années de terrorisme. Au lieu de continuer à faire du folklore et de la politique de prestige, il faudrait débloquer de l'argent pour sortir les Algériens de la misère et rendre l?espoir à notre jeunesse. Quelle image vous a le plus marqué en France ? Ce sont ces nombreux jeunes Algériens sans papiers qui squattent des lieux sans lumière, sans eau et sans aucun moyen. Cela m?éc?ure quand je sais que ces jeunes ont fui un pays si riche, et qu?il n?y a qu'une minorité qui profite de ces richesses. C'est indigne du pouvoir algérien. J'ai aidé beaucoup de sans-papiers, mais ils sont de plus en plus nombreux. Il y a un combat à mener en Algérie car on ne peut plus faire du neuf avec du vieux.