La revue littéraire publique Nezoua du Sultanat d'Oman consacre dans son dernier numéro un dossier à la romancière algérienne Assia Djebbar à travers la participation d'une trentaine d'auteurs, de critiques et de traducteurs algériens sous la direction de l'écrivain Amin Zaoui. Dans le numéro d'octobre de cette revue trimestrielle en langue arabe, les auteurs du dossier se sont interrogés sur les raisons de la «longue absence» en Algérie du nom et des textes d'Assia Djebbar, alors que la romancière occupe une place importante dans la littérature algérienne et mondiale. Les contributeurs s'accordent à expliquer cette absence de la scène littéraire algérienne par une «frilosité» des éditeurs arabophones à traduire les œuvres de la romancière, une réa-lité qui s'accompagne d'une certaine forme de «refus» ou d'«hésitation» chez Assia Djebbar à être traduite, selon l'écrivain Bachir Mefti. Alors que des écrivains comme Djamal Mati ont rappelé que «nul n'est prophète en son pays», d'autres auteurs, à l'instar de Lahbib Sayeh prédisent, au contraire, un «retour» des éditeurs vers les textes de Djebbar, en raison, écrit-il, de la «singularité» de l'auteure. Ce dernier avis se trouve conforté par le coordinateur du dossier, Amin Zaoui, qui a rappelé dans sa contribution qu'Assia Djebbar était une auteure «unique» et «multiple» à la fois : une romancière, nouvelliste, dramaturge et même une cinéaste «dont l'Algérie à toujours été la principale source d'inspiration». Commentant le «silence» de la romancière, qui ne s'est pas exprimée publiquement depuis des années, Lahbib Sayeh s'est dit «troublé» par cette discrétion, tandis que Leila Hammoutene préfère croire qu'Assia Djebbar «ne s'est jamais éloignée de son pays natal», en dépit de sa longue absence. Les participants divergent, par ailleurs, sur l'influence de l'auteure, exercée sur des écrivains algériens plus jeunes : de véritable «conscience de la littérature féminine» pour Ahmed Abdelkarim, Assia Djebbar aura finalement et malgré sa stature mondiale, «peu influencé» des écrivains comme Bachir Mefti ou encore Youcef Oueghlissi, entre autres. Cette confrontation des avis se lit aussi lorsqu'il s'agit de commenter l'élection de la romancière en 2005 à l'Académie française. De «fierté» nationale pour les uns, à un «événement qui n'ajoute rien à ses qualités d'auteure» pour les autres.