Résumé de la 69e partie ■ En lisant le mot laissé par Eliane Claire se sentit, en partie, responsable de son suicide... D'ordinaire, la visiteuse ne se rendait à la chapelle qu'une fois l'an : pour la nuit de Noël. Elle arrivait en début de soirée, afin d'aider l'aumônier à préparer l'unique fête que l'administration autorisait aux détenues. Cette nuit-là, exceptionnellement, les lumières, qui étaient coupées réglementairement chaque soir à vingt-deux heures, restaient allumées pour que la traditionnelle messe de minuit brille de tout son éclat. Ensuite, avait lieu une sorte de petit réveillon et chaque détenue se voyait remettre un cadeau offert par une association charitable devant un arbre de Noël installé dans la bibliothèque. C'était la nuit de la réconciliation, au cours de laquelle on s'efforçait d'oublier les querelles, les mesquineries, les jalousies qui ne manquaient jamais de surgir, en cours d'année, dans ce lieu où tant de femmes, venues de milieux si différents, étaient condamnées à une promiscuité de longue durée. Chaque année, la nuit de Noël ramenait un semblant de paix entre les murs de la Centrale... Quand elle franchit, ce jour-là, la petite porte voûtée qui menait à la chapelle, la visiteuse s'attendait évidemment à un tout autre climat, empreint de tristesse et de recueillement. Le cercueil reposait dans l'allée centrale. Il était recouvert d'un drap noir, entouré de quatre grands candélabres, et, à ses pieds, trônait une gerbe, offerte généreusement (!) par l'administration pénitentiaire à l'ancien matricule 310. Assise sur une chaise, près du cercueil, sœur Dorothée égrenait son chapelet. Au pied de l'autel, le Révérend Père Gourny, aumônier de la prison depuis plus de dix ans, priait. En entrant dans la chapelle, la visiteuse avait également aperçu, dans la pénombre des bas-côtés, les deux inséparables compagnes de l'équipe d'entretien, Agnès et son amie camerounaise. Leur balai à la main, elles semblaient hésiter à accomplir leur besogne de nettoyage, compte tenu des circonstances. Elles paraissaient en fait très décontenancées, comme si elles avaient éprouvé un besoin diffus de prier pour le repos de leur ancienne codétenue, mais n'avaient pas su s'y prendre. La visiteuse s'agenouilla quelques rangées derrière sœur Dorothée et elle fixa le cercueil. Elle se sentait très émue en pensant que la détenue qui l'avait le plus impressionnée en cinq ans se trouvait désormais là, figée pour l'éternité. Bien sûr, tôt ou tard, c'était le sort commun, mais tout de même ! Eliane était jeune encore, et si belle ! Les raisons de son suicide, Claire ne les avait que trop bien comprises, même si elle n'avait rien laissé paraître devant la directrice et l'assistante sociale : Eliane avait appris, ou deviné, que le docteur et elle étaient partis en vacances. Découvrant son infortune, elle n'avait pu, moralement, supporter cette nouvelle épreuve et n'avait trouvé d'autre issue que dans la mort... A suivre