Affirmation ■ On vivait mieux avant ! Combien de fois a-t-on entendu cette phrase ? A des millions de reprises certainement. Il suffit qu'il ne pleuve pas assez en hiver, qu'il ne fasse pas beau en été, que l'ordinateur tombe en panne, que le bus arrive en retard ou qu'il y ait un mouvement de grève dans un service public pour que l'on commence à râler et à regretter le «bon vieux temps». Bien souvent, on a l'impression que tout ce qu'on vit au présent n'a rien à voir avec ce que l'on a connu par le passé. «A notre époque, on était heureux car tout était simple. Les gens avaient des valeurs. Même s'il y avait peu de moyens, tout ou presque marchait à merveille car tout un chacun faisait son travail convenablement», vous diront d'aucuns avec beaucoup de nostalgie. Dans leur volonté de «sacraliser» le passé, certains vont jusqu'à nier certaines évidences comme l'amélioration des conditions de vie de la population à la faveur de l'accroissement de ses revenus. A vrai dire, les temps révolus ont été toujours vus comme étant les plus beaux et les plus agréables. Aujourd'hui, tous ceux qui ont vécu dans les années 1970 et 1980 vous certifieront qu'elles étaient «magnifiques», «formidables» et «splendides». Si on leur avait posé la question à l'époque en revanche, la réponse n'aurait sans doute pas été la même. C'est du moins ce que laisse entendre Smaïl, 55 ans, en affirmant n'avoir pas eu l'impression d'avoir une vie «exceptionnelle» quand il était jeune. «Ce serait vous mentir que de vous dire que j'étais le plus heureux des hommes dans les années 1970. Aujourd'hui avec du recul, je me dis que j'avais de la chance car j'ai pu voyager et trouver du travail facilement contrairement à beaucoup de jeunes de nos jours», explique-t-il. C'est donc en comparant le présent au passé que cet ingénieur en pétrochimie, qui s'est installé en France il y a une quinzaine d'années environ, s'est rendu compte qu'il était bien loti quand il était jeune. Mais ce que Smaïl et bien d'autres oublient, c'est que le passé ne rime pas toujours avec belle vie et bonnes choses. Comme l'a si bien dit l'écrivaine française d'origine russe Elsa Triolet, le passé «a des blancs qui sont noirs». Contrairement à ce que l'on a tendance à croire, les années 1960, 1970 et 1980 sont loin d'être «exemplaires». En d'autres termes, elles n'ont pas eu que du bon. Les privations, les manques, la pauvreté ou encore l'illettrisme, tout cela a bien fait partie du quotidien des Algériens à cette époque-là même si la plupart semblent l'avoir effacé pour de bon de leur mémoire.