Résumé de la 51e partie ■ Pour la première fois Mei-ling quitta son domicile à la nuit tombée... et seule. Mais la vieille femme savait pourquoi Mei-ling allait le retrouver, et elle savait qu'elle ne pouvait rien faire. C'est pourquoi elle s'allongea sur sa natte, remonta la couverture au-dessus de sa tête et se mit à pleurer en silence. La première fois que Mei-ling et l'Américain firent l'amour, une mousson fraîche et bienfaisante se déversa sur Singapour. Mei-ling savait que ce qu'elle faisait était punissable de mort. Une femme n'avait le droit de connaître qu'un seul homme dans sa vie — son mari légitime. Lesfemmes qui n'étaient pas mariées n'avaient pas le droit d'approcher les hommes. En revanche, les hommes étaient autorisés à avoir autant d'épouses et de concubines qu'ils pouvaient en entretenir, et ce en vertu du vieil adage qui disait que «la théière ne saurait se contenter d'une seule tasse». Etendue entre les bras du bel étranger, qui avait retrouvé sa vigueur et sa virilité grâce à ses soins attentifs, Mei-ling le regardait dormir en songeant qu'une sentence de mort n'était rien à côté de l'amour, et qu'elle aurait volontiers donné sa vie pour un seul baiser. Il était encore endormi lorsqu'elle se leva pour s'en retourner chez elle avant que les domestiques ne fussent éveillés. Puis elle ressortit à nouveau le soir même et le lendemain. Elle aida l'étranger à faire quelques pas hors du lit, en le soutenant, bien qu'il lui fût douloureux de marcher ainsi sur ses pieds déformés. Elle lui donnait des nouvelles du monde extérieur, puis il ôtait les épingles et les peignes qui retenaient les longs cheveux de Mei-ling et lui disait combien il l'aimait. Dans la journée, Mei-ling s'enquérait discrètement auprès des uns et des autres pour savoir si personne n'était à la recherche d'un Américain disparu. La nuit venue, allongée à ses côtés, elle le regardait se tourner et se retourner dans son sommeil, en prononçant des noms et des mots qui lui étaient totalement étrangers. Lorsqu'elle l'éveillait, il n'avait aucun souvenir de ses rêves. Et quand elle lui demanda : «Qui est Fiona ?», il fut incapable de lui répondre. — Peut-être devrais-je t'emmener voir un médecin anglais, dit-elle un après-midi, tandis que le soleil dardait ses rayons à travers les persiennes. Il y a trop longtemps que tu as perdu la mémoire. Ta famille va s'inquiéter. Il faut que tu retrouves les tiens. Mais il lui prit les mains et lui dit avec passion : — C'est toi, ma famille, Mei-ling. Je veux t'épouser. — Mais que se passera-t-il si tu es déjà marié ? — Je ne me sens pas marié. Puis il ajouta, tendrement : — Sauf avec toi, Mei-ling. Je me sens marié quand je suis avec toi. Elle baissa les yeux. — Je ne pourrai jamais t'épouser. Je dois épouser un Chinois. — Mais nous sommes déjà mariés, Mei-ling. A suivre