Misère Chômage, mal vie et marginalisation cohabitent à l?intérieur d?immeubles sales et menaçant ruine à tout moment. «Nous sommes oubliés !» Le mot est lâché par des jeunes sans travail, qui consument quotidiennement leur lassitude adossés aux murs encore debout de Derb. En regardant les chaussées défoncées et les petits bâtiments qui tombent en ruine, Houari et ses camarades pensent à leurs copains qui ont la «chance» d?être à Marseille? Vécu comme une malédiction, le délaissement de cette partie de la ville ne peut s?imposer comme une définition d?une règle générale que certains responsables substituent à la dure réalité d?un quartier déshérité et qui a fini, à force de promesses aléatoires, par dériver au gré de la violence devant l?accroissement du chômage, de la paupérisation, de la promiscuité et de la baisse du niveau scolaire enregistré parmi la population scolarisée. Après le départ massif des juifs pour l?Hexagone et la Palestine en 1962, la témérité des «ruraux» allait donner libre cours aux envahissements quasi anarchiques. La transformation est surprenante : les épiceries se transformèrent en ferronneries, les tapisseries en garages de mécanique, les dinanderies en cordonnerie... Cette situation est chronique et dure depuis plusieurs années s?accentuant particulièrement pendant la dernière décennie, avec de fréquents affaissements de terrains et des effondrements d?immeubles vétustes faisant de nombreuses victimes. Dans ce contexte, 187 immeubles menaçant ruine sont localisés pour le seul quartier de Derb sur les 570 immeubles vétustes recensés à Oran. L?organisme logeur, en l?occurrence l?Opgi et la daïra d?Oran se rejettent la balle et «tournent en bourrique» les habitants du ghetto de Derb. Cet état de fait a occasionné le dysfonctionnement du réseau d?approvisionnement électrique affectant les activités ménagères et les rares ateliers, concentrés à la rue Daho-Kada. il serait vain de parler de trottoirs alors que le revêtement des chaussées n?est pas entamé. Longiligne, le quartier de Derb est traversé par d?innombrables petites venelles qui facilitent la fuite aux voyous après un mauvais coup. La concentration humaine y est très développée et bruyante : amassée, entassée et indisciplinée. La chute du prix du pétrole dans les années 1980 et la crise qui s?en est suivie sont lourdement ressenties dans ce quartier qui maîtrise mal une démographie débridée et ce, outre l?apparition d?un chômage convulsif. A partir d?une certaine heure de la nuit, le quartier «appartient» à des hordes de jeunes loups qui, sous l?effet de l?alcool et de la drogue, piétinent et agressent tout ce qui bouge. C?est alors que le temps suspend son vol à Derb qui semble vivre hors du temps et de? l?espace.