Jeu n La traversée du somnambule est construit sur le concept du mentir/vrai — un recours à la fabulation pour dévoiler le réel. L'usage de l'imaginaire pour confondre la réalité. Arezki Metref, journaliste et chroniquer au Soir d'Algérie, vient de signer un livre qui, paru aux éditions Koukou, a pour tire La Traversée du somnambule. Un recueil d'histoires courtes, originales et sympathiques. «Ce sont des chroniques littéraires mais qui mélangent l'imaginaire au réel», dit Arezki Metref à propos de son livre. Et de renchérir : «Ce sont des histoires que je raconte en m'inspirant des démarches des écrivains qui mélangeaient justement la réalité à la fiction, à l'image de Borges, Aragon… J'ai voulu faire un peu la même chose. Le fondement de la littérature elle-même, c'est le mentir/vrai puisque même lorsqu'on raconte quelque chose de la réalité, on le passe par le sas de l'imaginaire». Ainsi, son livre, une création littéraire, est construit sur le concept du mentir/vrai — un recours à la fabulation pour dévoiler le réel. L'usage de l'imaginaire pour confondre la réalité. Il y raconte de petites histoires, «des tranches de vie glanées aux quatre coins du monde», précise son préfacier, Bouâlem Sensal. L'une des particularités de ces chroniques est que «toutes s'enracinent dans la réalité, celle d'une rencontre, qu'il s'agisse d'écrivains illustres, de héros anonymes, d'un quartier, d'une ville, d'un pays, d'un livre ou encore d'une histoire». En d'autres termes, Arezki Metref lie des personnages contemporains à des repères historiques à partir d'une histoire imaginaire. Dans «La coiffeuse d'Assia Djebbar», l'écrivain raconte une histoire concernant à la fois Assia Djebar et Elissa Rhaïs avec des données historiques imaginaires. Tout commence lorsqu'il rencontre la coiffeuse d'Assia Djebar à l'enterrement de la romancière. «J'ai eu, en discutant avec elle, l'idée d'écrire quelque chose sur Assia Djebar. J'ai appris aussi qu'Assia Djebar avait habité dans la même maison qu'Elissa Rhaïs», explique-t-il. Et de renchérir : «Je repars sur la trace des écrivains mais avec à la fois une partie qui est vraie, réelle et documentée.» S'exprimant sur le concept du mentir/vrai, Arezki Metref explique : «Le télescopage entre le passé et le présent, le réel et l'imaginaire, le mensonge et la vérité génère une palette de visions que j'ai pris plaisir à partager avec le lecteur. Au fil des semaines, je me suis aperçu que la chronique, ce compromis immémorial entre journalisme et littérature, était en fait une œuvre à part entière débitée en séquence à la manière, mutatis mutandis, des feuilletons littéraires du XIXe siècle.» Et de s'interroger : «Qu'y a-t-il de vrai, là-dedans ?» «Rien. Tout», répond-il, et d'ajouter : «L'un et l'autre confondus dans la grande illusion de la transfiguration. Les mots ont un revers…» Arezki Metref est journaliste-chroniqueur et aussi écrivain. D'où la question : est-ce qu'il y a une différence entre l'écriture journalistique et l'écriture littéraire. «Oui, bien sûr, la différence existe», répond-il. Et d'expliquer : «Un article de presse est limité dans le temps, dans l'espace. Il obéit à des règles, il est soumis à des contraintes définies, précises. Tandis que dans le texte littéraire, il y a plus de liberté dans la création – et plus de réflexion. Un écrivain n'est pas tenu par les impératifs du temps. Cela fait, à l'évidence, une grande différence.» Yacine Idjer l Arezki Metref a également signé un autre livre aux éditions Dalimen. Il a pour titre Madame Carmel sortit son revolver. C'est un recueil de nouvelles, et comme le premier, il est construit sur le concept du mentir/vrai. «C'est un amoncellement de petites histoires que je raconte sur le modèle du mentir/vrai, sur la guerre vue dans le regard d'un enfant. Avec différents épisodes de la guerre», explique-t-il à propos de son livre, et de poursuivre : «L'enfant devient le narrateur, ce n'est pas forcément moi, et la guerre, c'est la guerre d'Indépendance de l'Algérie. L'enfant est devenu adulte et il raconte à partir de ses souvenirs, de petites histoires qui, là aussi, s'inspirent du modèle de Borges. Ce sont des histoires courtes et comme on le sait, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures.» Interrogé sur le rapport qu'il entretient avec l'écriture, Arezki Metref déclare : «Je suis écrivain et en même temps journaliste. Si j'écris, c'est parce que c'est mon métier, tout simplement. C'est aussi parce que j'éprouve le besoin d'écrire. Et c'est également une passion. Donc, écrire, c'est à la fois un besoin, celui de s'exprimer, d'aller vers l'autre (le lecteur) et de partager avec lui une histoire, un imaginaire, et une passion, c'est-à-dire l'amour pour l'écriture.» Quand à la question de savoir quel regard porte-t-il, en tant que journaliste, sur l'écriture littéraire, telle qu'elle se pratique aujourd'hui, l'écrivain répond : « Dans ma pratique personnelle, on est plus libre dans la pratique de l'écriture littéraire. On commence à sentir — et cela est un avis personnel — le pluralisme de la société algérienne à travers la littérature. La littérature algérienne reflète d'une manière étonnante une différente façon de penser et de porter le regard sur la société. Elle reflète aussi plusieurs pistes d'écriture. La littérature algérienne est riche de sa diversité. Et c'est ce qui fait son originalité.» Y. I.