Résumé de la 351e partie n A présent Charlotte laissait libre cours à son chagrin. Et l'heure était venue pour moi de lui révéler mon dernier secret. Nous retournâmes nous asseoir sur cette abominable banquette. — Je sais que tu m'en as voulu de ne pas être toujours à tes côtés. Mais ma place était à l'usine, Charlotte-ah. Je n'avais pas le choix. Vois-tu, lorsque le révérend Peterson m'a écrit au sujet de ma mère, il a oublié de mentionner un détail important. Ma mère n'était pas morte à Singapour. Les yeux de Charlotte et ceux de Jonathan, qui était venu nous rejoindre, se posèrent sur moi. — Lorsque j'ai reçu cette lettre en 1957, dis-je doucement, j'ai compris que je devais retourner à Singapour, pour savoir ce qu'il était advenu du reste de ma famille. Naturellement, mon grand-père était mort, ainsi que de nombreux membres de ma fa- mille, pendant la guerre. Mais je retrouvai une cousine, qui me raconta une histoire extraordinaire. A la mort de mon grand-père, ma mère, Mei-ling, décida de se rendre en Amérique, pour partir à ma recherche. Les lois sur l'immigration étaient encore très strictes en 1953, en revanche, les touristes pouvaient y circuler plus librement. Ma cousine décida d'accompagner ma mère, qui était alors très âgée, en Californie. Elle m'a remis ceci. (Je fouillai dans mon sac à main et en ressortis un vieil article de journal que j'avais gardé pendant plus de quarante ans. Le papier en était jauni et cassant, et la photo difficile à discerner. Je le tendis à Charlotte en disant :) Tu avais pris la grande usine de Menlo Park en grippe parce que tu avais l'impression qu'elle m'éloignait de toi. Tu disais que je l'aimais plus que toi. J'ai ouvert cette usine ultramoderne en 1953, quatre ans avant que tu ne viennes au monde, après que Gideon eut réussi à me convaincre d'acheter des cuves en acier chromé, une chaîne de montage et des tubes à essai. Dans cette nouvelle usine, il était possible de fabriquer des médicaments mille fois plus vite que dans celle de Daly City, autrement dit de soigner mille fois plus de gens. Charlotte fronça les sourcils, l'article de journal défraîchi à la main, et dit — Que suis-je censée voir ? Je lui expliquai qu'à mon retour en Californie je m'étais rendue dans les bureaux du San Francisco Chronicle et avait montré l'article pour avoir une copie de la photo. J'en avais obtenu une pour deux dollars et vingt-cinq cents. Celle-là aussi, je l'avais apportée avec moi. Je la sortis de mon sac et la tendis à Charlotte. La photo sur papier glacé était beaucoup plus nette que celle du journal, si bien qu'elle put voir les visages des gens qui étaient présents autour de moi alors que je coupais le ruban le jour de l'inauguration de la nouvelle usine. — Elle a été prise le jour de l'inauguration. Regarde, dis-je en pointant un visage qui se trouvait au second plan. C'est ma mère, Mei-ling, elle était venue. A suivre