Quelque 13 millions d'Allemands étaient appelés aux urnes hier pour trois élections régionales dans un pays en proie aux doutes face à l'afflux de réfugiés. Ces scrutins pourraient faire plonger le camp d'Angela Merkel et s'envoler la droite populiste. Pour ces élections test à dix-huit mois de législatives, les bureaux de vote ont ouvert à 08h00 dans les Etats régionaux du Bade-Wurtemberg (sud-ouest), de Rhénanie-Palatinat (ouest) et de Saxe-Anhalt et les premières estimations étaient attendues peu après leur fermeture, vers 18h00. Pour éviter un revers trop cuisant de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), la chancelière a battu la campagne, multipliant les meetings électoraux, notamment dans le Bade-Wurtemberg, fief conservateur en péril, et en Rhénanie-Palatinat où la CDU est au coude-à-coude avec les sociaux-démocrates (SPD). Samedi, la dirigeante a encore consacré l'essentiel de son ultime intervention publique à la crise des réfugiés qui a brouillé les cartes politiques, menaçant son piédestal pour la première fois en dix ans au pouvoir. Elle a insisté sur le "devoir" qu'avaient les réfugiés de s'intégrer, tout en martelant que les solutions européennes promises depuis des mois allaient réduire le nombre de migrants s'engageant dans l'odyssée périlleuse vers le Nord de l'Europe.
L'influence de la crise migratoire L'Allemagne est en ébullition depuis qu'elle a ouvert ses portes en 2015 à plus d'un million de demandeurs d'asile, notamment des Syriens fuyant l'enfer de la guerre à bord de canaux pneumatiques pour rejoindre l'Union européenne. Incendies de foyers de demandeurs d'asile, population scandalisée par des agressions sexuelles commises par des migrants à Cologne: les Allemands, qui avaient dans un premier temps accueilli les réfugiés avec des friandises et des oursons en peluche, semblent déboussolés. Et ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la droite populiste, qui espère un score historique dimanche.
Sillon populiste L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), jeune formation créée il y a trois ans pour contester l'euro, est pressentie comme la grande gagnante de ces scrutins, créditée d'entre 9% et 19% des intentions de vote selon la région. A l'issue du vote dimanche, l'AfD, qui siège au Parlement européen, pourrait être représentée dans la moitié des 16 parlements régionaux. En Saxe-Anhalt, avec 19% dans les sondages, elle dispute même la place de deuxième force politique régionale à la gauche radicale, die Linke. Et ce bien que cette région déshéritée d'ex-Allemagne de l'Est accueille peu de réfugiés. L'envolée de ce parti constitue un scénario inédit depuis 1945 dans un pays perpétuellement en quête d'exemplarité morale après l'horreur nazie. Malgré des dérapages verbaux, l'AfD, qui prône notamment la fermeture des frontières, creuse son sillon populiste en haranguant les foules contre les partis traditionnels. Ces derniers rejettent toute coopération avec l'AfD, vilipendée comme étant "une honte pour l'Allemagne", selon le ministre des Finances.
Aucun concept politique Pour les partis traditionnels, la CDU et le SPD, qui dominent la vie politique depuis 70 ans, la tâche de former des coalitions régionales viables pourrait s'en trouver alourdie. Confiante, Angela Merkel jure néanmoins que l'AFD va refluer dès que la crise des réfugiés sera résolue. "L'AFD n'a aucun concept politique et aucune compétence pour trouver des solutions", a de son côté martelé samedi le ministre conservateur de l'Intérieur, Thomas de Maizière, dans le journal Die Welt.