Résumé de la 89e partie n Ernie étant ivre mort, Loretta le reconduit à la maison. Il a toujours sur lui le billet gagnant de la tombola. Une fois, à l'intérieur de son domicile… Ernie en voulut instinctivement à Loretta de dénigrer sa fille, Wilma junior, la petite Willie, comme il l'appelait. Elle avait un véritable talent. Un jour elle deviendrait un sculpteur célèbre. Elle s'était installée au Nouveau-Mexique depuis qu'elle avait abandonné ses études, en 1968, et elle gagnait sa vie en travaillant le soir comme serveuse dans un McDonald's. Durant la journée, elle faisait de la poterie et sculptait des oiseaux. Ernie sentit qu'il pivotait sur lu-même, qu'une main le poussait. Ses genoux fléchirent et il entendit le grincement familier des ressorts du sommier. Avec un soupir de gratitude, il s'allongea de tout son long et perdit conscience. Wilma Bean et Dorothy avaient passé une journée agréable. Wilma appréciait la compagnie de sa sœur aînée à petites doses. Agée de soixante-trois ans, Dorothy avait cinq ans de plus qu'elle. Le seul ennui, c'était qu'elle avait des idées très arrêtées et critiquait ouvertement Ernie et Willie, ce qui agaçait prodigieusement Wilma. Mais elle avait pitié de sa sœur. Son mari l'avait plaquée dix ans plus tôt, et il vivait aujourd'hui comme un pacha avec sa deuxième femme, un professeur de karaté. En outre, Dorothy et sa belle-fille s'entendaient mal. Dorothy travaillait encore à mi-temps dans le service des sinistres d'une compagnie d'assurances et elle déclarait souvent à Wilma : «Je suis la reine pour dépister les fausses déclarations.» On les prenait rarement pour deux sœurs. Comme le faisait remarquer Ernie, Dorothy était longue comme un haricot et plate comme une planche à pain, avec des cheveux gris qu'elle portait serrés en chignon sur la nuque. Ernie disait toujours qu'elle aurait fait une parfaite Carrie Nation, la championne de la ligue antialcoolique ; il l'imaginait très bien avec une hachette à la main. Wilma savait que Dorothy avait toujours été jalouse d'elle parce qu'elle était la plus jolie des deux sœurs, et qu'elle avait peu changé en dépit de son embonpoint, gardant un visage sans rides. Mais les liens du sang comptaient pour Wilma et un week-end à Philadelphie tous les trois ou quatre mois, surtout à l'époque des vacances, était toujours agréable. L'après-midi du tirage de la loterie, donc, Dorothy alla chercher Wilma à la gare. Elles déjeunèrent tard dans un Burger King puis visitèrent en voiture le quartier qu'avait habité Grace Kelly. Toutes les deux avaient été des fans de l'actrice. Après avoir décrété que le prince Albert devrait se marier, que la princesse Caroline s'était assagie et qu'on devrait boucler la princesse Stéphanie dans un couvent pour lui apprendre les bonnes manières, elles allèrent au cinéma avant de rentrer. Dorothy avait fait cuire un poulet et elles bavardèrent pendant le dîner jusque tard dans la soirée. Dorothy se plaignit auprès de Wilma que sa belle-fille n'eût aucune idée de la façon dont il faut éduquer les enfants et n'acceptât pas le moindre conseil. (à suivre...)