Tipaza Elle attendait son prince charmant. Elle l?a épousé... et elle a vite déchanté. Mounia est éblouie, elle est convaincue que le bonheur est là, à quelques pas, personnifié par cet homme au sourire éclatant. L?homme est beau, élégant dans son costume noir, la voiture est luxueuse et, pour parfaire le tout, cette valise diplomatique en cuir fauve ! Mounia croit rêver. A 24 ans, elle a enfin trouvé son prince charmant. Elle a le coup de foudre pour la première fois de sa vie. La jeune fille est dans tous ses états, elle qui menait une existence terne de couturière à domicile, sans prétendant ni projet de mariage. Certes, elle ne manquait pas de recevoir des propositions parce qu?elle est belle. «Mais c?était uniquement pour sortir.» Et puis voilà qu?une bonne fée lui fait rencontrer Samir, 30 ans, un jeune homme charmant et bien élevé. Mounia n?en demande pas plus, elle ne cherche même pas à se renseigner sur lui. Quelques petits tours en voiture, la promesse de s?aimer pour la vie et tout s?accélère. Mounia buvait les paroles du jeune homme comme du petit-lait. Et lui, pour l?éblouir encore plus et s?éblouir lui-même, en rajoutait. Résultat : la demande en mariage est faite quelques jours après et deux mois plus tard, Mounia est en robe blanche. Mais à peine les lumières de la fête éteintes, qu?elle ouvre des yeux lourdement maquillés sur... un matin sombre. Quelle désillusion ! Le réveil est brutal, sa peine est immense. Elle revient à la maison meurtrie, humiliée, l?air d?une folle. Que s?est-il passé ? Quel drame a pu briser cette idylle à peine entamée ? Mounia se retrouve devant le juge des divorces, au tribunal de Chéraga, en septembre 2004. «Pourquoi, voulez-vous divorcer ?», lui demande le magistrat. Mounia a du mal à s?exprimer, des sanglots lui bloquent la gorge. Elle articule enfin : «Il m?a trompée en tout, votre honneur. Il s?est fait passer pour un patron alors qu?il n?est qu?un simple chauffeur. Il a abusé de ma confiance sans vergogne rien que pour m?avoir.» Le juge est perplexe. Il lui lance : «Mais vous auriez pu vous rendre compte de tout cela avant de vous engager officiellement. Un homme aisé est censé posséder argent, belle maison et le standing qui va avec.» Mounia est confuse, elle s?en veut terriblement pour sa naïveté et son sentimentalisme. «C?est que, bredouille-t-elle, il m?a assuré qu?il venait juste de se lancer dans les affaires, une histoire de conteneurs et d?import-export. En attendant d?emménager dans sa villa en construction, il disait préférer habiter chez sa mère et ses s?urs. Ce n?est qu?après avoir consommé le mariage qu?il m?a avoué la vérité. Imaginez un peu, votre honneur, moi, passer ma vie dans un deux-pièces avec une belle-mère malade et trois belles-s?urs hostiles? J?ai préféré retourner dans ma famille tout de suite !» «Le métier de chauffeur est un métier honnête, chère madame. Le seul tort de celui que vous avez épousé c?est de ne pas avoir été franc avec vous dès le départ. Seulement voilà, il vous a embobinée pour vite vous épouser. Alors, à qui la faute ?» Samir, lui, est resté silencieux. Il accepte de divorcer aux torts exclusifs de la plaignante. Il se contente de dire au magistrat : «Monsieur le juge, je ne l?ai ni humiliée ni maltraitée. Je n?ai jamais cherché à abuser d?elle, je voulais seulement qu?elle soit mon épouse légitime devant Dieu et devant les hommes. Je croyais qu?elle m'aimait assez fort pour me pardonner mon petit mensonge.» Les apparences ont trompé Mounia, qui paie cher son erreur. Elle sort du tribunal désespérée. Son «chauffeur», lui, monte dans la luxueuse voiture. Il a toujours fière allure. Samir est un peu dépité par la tournure prise par les événements, mais il se rassure : il sait qu?il ne restera pas longtemps célibataire.