L'activité économique en Algérie a «été globalement résiliente» en dépit des défis importants posés par la baisse des cours de pétrole, selon le dernier rapport du FMI. Le pays souffre d'un tarissement des revenus des hydrocarbures, qui ont fondu de moitié depuis 2014. Mais, il a su conserver une croissance économique plus ou moins soutenue en 2016 s'établissant à 3,5% au prix d'une aggravation du déficit budgétaire, poursuit le rapport d'évaluation de l'économie algérienne, établi par le Fonds monétaire international (FMI). Le Fonds a, néanmoins, légèrement modifié ses prévisions de croissance pour 2017 en tablant désormais sur un taux de 1,3% contre 1,4% anticipé en avril dernier. Pour 2018, l'économie algérienne devrait enregistrer une croissance de 0,7 % contre 0,6% prévu auparavant. A. B. Ralentissement dans plusieurs secteurs Rapport - Une meilleure flexibilité du taux de change avec un assainissement des finances publiques contribuerait à l'émergence d'un secteur privé prometteur, note le FMI. Si le boum pétrolier au début des années 2000 a permis à l'Algérie d'épurer sa dette, d'améliorer ses indicateurs de développement humain et d'assurer une stabilité socioéconomique au pays après une décennie noire, les programmes sociaux et les subventions ne sont plus tenables aujourd'hui. La baisse en continu des cours internationaux de pétrole, qui constitue 98% des recettes d'exportation et 60% du budget du pays, ainsi que l'épuisement des réserves de change ont sensiblement ralenti l'activité économique en dehors du secteur des hydrocarbures. Le taux de croissance du reste de l'économie est ainsi tombé de 5,0% en 2015 à 3,9% en 2016 en raison notamment du ralentissement observé dans les secteurs de l'agriculture, de l'eau et d'autres industries. Cette décroissance, que la Banque mondiale avait expliquée comme étant le résultat du rééquilibrage des finances publiques dans un contexte baissier des cours de pétrole, va aider à réduire les déficits budgétaires d'où l'intérêt de l'aménagement du modèle économique national engagé par les autorités. Le FMI a, à cet effet, préconisé un redressement graduel de l'économie algérienne qui préserverait les acquis sociaux. Il avait expliqué que l'Algérie pouvait se permettre d'engager un redressement un peu plus progressif des finances publiques étant donné son niveau bas d'endettement et ses avoirs appréciables en réserves de change. Pour le Fonds, le pays pourrait envisager une gamme plus large d'options de financements, y compris les emprunts extérieurs et la cession d'actifs publics. L'institution de Bretton Woods recommande de recourir à «un éventail plus large de possibilités de financement de l'économie», y compris «un recours prudent à l'endettement extérieur et la cession d'actifs publics» tout en optant pour un taux de change plus flexible. Des mesures pareilles pourraient «fournir une marge de manœuvre budgétaire pour opérer un ajustement plus progressif et plus propice à la croissance que celui prévu actuellement», selon le même institut. Le défi consiste donc à choisir une combinaison de politiques économiques qui facilite l'adaptation économique durable au moindre coût en termes de croissance et d'emplois. Sur ce dernier point, le FMI s'attend à une hausse du chômage en 2017 à 11,7% contre 10,5% en 2016, alors que certains cercles l'estiment à 20%. Ce taux devrait progresser en 2018 à 13,2%. Pour rehausser la croissance potentielle, le FMI relève qu'il est important de mettre en œuvre « un dosage équilibré des mesures de politique économique, ainsi que des réformes structurelles ambitieuses pour assurer la viabilité des finances publiques, réduire les déséquilibres extérieurs et diminuer la dépendance à l'égard des hydrocarbures ». Assia Boucetta Loi de finances pour 2018 : subventions ciblées et importation limitée La première mouture du projet de loi de finances pour 2018 devrait opter pour de nouveaux arbitrages budgétaires afin de permettre au pays de disposer de nouvelles ressources et de mieux contenir les importations. «Il faut encourager la production locale de l'essentiel de ce que nous consommons et réduire les importations inutiles», a conseillé Mustapha Mekideche, le vice-président du Conseil national économique et social (Cnes). De l'avis de cet expert, la rationalisation des importations ne s'effectue pas seulement à travers les contingents quantitatifs mais aussi par l'instauration de normes et standards spécifiques limitant l'importation de certains produits. C'est justement dans l'objectif de disposer des ressources financières nécessaires à ce développement qu'il faudrait mieux maîtriser les dépenses et réduire le déficit de la balance des paiements en maîtrisant mieux les importations, argumente-t-il. L'autre priorité sur laquelle devrait s'atteler le nouveau gouvernement est le développement du capital humain pour «faire en sorte que les Algériens continuent de disposer de minima en matière de santé, de logement et d'éducation. C'est là un des pré-requis pour s'inscrire dans le long terme de l'émergence», soutient Mekideche, considérant qu'une mise en place de subventions ciblées, profitant aux plus démunis tout en limitant le gaspillage des produits subventionnés, devrait être l'autre priorité du PLF 2018. Le gouvernement devrait «se fixer comme priorité le dossier des subventions ciblées lesquelles seraient un enjeu pour la loi de finances pour 2018 pour pouvoir mettre en place un système de subventions qui garantisse à la fois la cohésion sociale et évite le gaspillage des produits subventionnés», propose-t-il. A. B. Nécessité de renforcer la gouvernance des banques Le secteur bancaire dans son ensemble est bien capitalisé et rentable, relève le prêteur international. Cependant il convient de continuer de renforcer la politique du secteur financier et à accroître le rôle de la politique macroprudentielle, estime-t-il. Le FMI recommande d'accélérer le passage à un système de supervision bancaire basé sur les risques, d'affermir le rôle de la politique macro-prudentielle, de renforcer la gouvernance des banques publiques et de mettre en place un cadre de résolution des crises. Le Fond a cependant insisté sur l'importance d'améliorer davantage le climat des affaires et l'accès au crédit et de renforcer la gouvernance et la transparence afin de rendre le marché du travail plus efficace. Le Chef de la mission du FMI a par ailleurs plaidé pour la poursuite des efforts en vue d'aligner le dinar sur la situation fondamentale de l'économie, combinée à des mesures visant à la résorption du marché parallèle des changes. A. B. L'avenir du pays est dans ses PME Avis - Les PME algériennes sont appelées à relever le défi de la diversification économique et de l'exportation pour sortir des hydrocarbures. Les petites et moyennes entreprises (PME) algériennes, dont le nombre est estimé entre 300 000 et 400 000, sont appelées à revoir leur stratégie de développement afin d'assurer la pérennité pour leur vie sur le marché national et être compétitives sur le marché international, insistent les experts. Ces derniers insistent sur l'importance de la maîtrise de l'ouverture sur le marché international afin de pouvoir faire bénéficier les entreprises algériennes des expériences des autres. La PME doit constituer la locomotive de notre économie notamment en cette période de crise. «Les responsables des PME algériennes doivent s'imprégner des succès que beaucoup d'entreprises tunisiennes ont pu réaliser grâce à leur ouverture maîtrisée sur le monde économique», selon Karim Mahoui, expert et enseignant à l'université de Béjaia. «Son rôle c'est d'être présente sur le marché national et international, avec la création de richesse et d'emploi pour les jeunes avant d'aller par la suite au processus de l'exportation, qui reste un objectif loin pour la plupart des PME», a-t-il expliqué. Les petites et moyennes entreprises ont tout à gagner en s'impliquant dans les différents secteurs économiques, particulièrement les secteurs porteurs de richesse et créateurs d'emploi à l'image de l'industrie, de l'agriculture et du tourisme. Il faut dire que la politique de remise à niveau de ces entreprises et de création d'autres, lancée en 2011, a jusqu'à présent échoué puisque le taux de mortalité des PME est de 18%. Ce vaste programme avait touché dans un premier temps 20 000 entreprises activant pour la plupart dans l'industrie mécanique, l'électronique, pêche, service et le BTPH. Six ans plus tard, le tissu industriel algérien peine à être performant et compétitif avec près de 97 % de Très petites entreprises (TPE), 3% de PME et 0,4 % de moyennes entreprises. Et les difficultés qui se posent à la création d'une entreprise sont toujours d'actualité. Seules 600 000 entreprises ont été créées en l'espace de dix ans, alors que le plan d'action de l'ex-ministère de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'investissement prévoyait d'atteindre plus d'un million en 2015, 1.34 million en 2020 et 2 millions à l'horizon 2025. La responsabilité de cette lente agonie incombe aux banques, selon de nombreux observateurs qui remettent en cause le rôle négatif de ces établissements qui ne financent que 30 % des projets d'investissement. Leur politique d'octroi de crédits, jugés contreproductifs, aurait sensiblement contribué à tuer toute initiative d'investissement. Au dysfonctionnement relevé dans le secteur financier vient s'ajouter l'absence de formation au profit des jeunes investisseurs qui n'ont, pour la plupart, pas d'outils leur permettant de gérer au mieux leurs entreprises avec comme stratégie de créer plus et de meilleurs emplois. En l'absence de formation et d'un programme de travail à long terme à même d'inculquer aux jeunes investisseurs l'esprit de compétitivité et de concurrence, beaucoup se sentent incapables d'affronter la concurrence économique régionale et mondiale. A. B. Paroles d'experts Nécessité - Plaidoyer pour l'élaboration d'un plan d'action durable qui puisse accompagner la nouvelle politique économique du pays vers ses objectifs de croissance. Le nouveau modèle économique instauré par le gouvernement dans le cadre de sa politique de diversification de l'économie nationale constitue une opportunité pour se détacher de l'exportation des hydrocarbures qui, jusque-là, laisse peu de place aux autres secteurs de l'économie. Pour les experts, cette dépendance aux hydrocarbures a sérieusement détruit la production locale. Une réflexion qui se confirme avec les dernières déclarations du forum des chefs d'entreprises qui parle de 760 000 sociétés dans le pays dont 300 000 ne produisent pratiquement rien, se consacrant exclusivement au commerce intérieur. Et «contrairement à ce qu'on pourrait croire, le problème n'est pas dans la chute des cours du pétrole», abonde Lies Kerrar, responsable du Med Investment Holding. Pour lui, les subventions tous azimuts et la hausse des salaires devant une production nationale qui peine à décoller «ont abouti à un gaspillage monstre ». Le niveau des prix sur le marché international et l'inflation mondiale qui est très basse est, néanmoins, une période favorable pour engager une baisse des subventions et la valeur du Dinar, plaident de nombreux autres économistes. Plus pessimiste, Youcef Benabdallah, professeur à l'Ecole nationale supérieure en statistiques et en économie appliquée estime que «la période des vaches grasses étant terminée, les marges de manœuvres sont encore là mais la stratégie fait défaut», avant d'avertir que le risque de tomber dans la crise de 1986 est réel. «Le gouvernement semble attendre à nouveau que le baril remonte. Je préférerais que celui-ci ne reparte pas à la hausse, sinon nous allons une fois de plus reporter les échéances inévitables», a t-il ajouté. Pour sa part, l'économiste Alexandre Kateb appelle à une «refonte» de la réglementation de manière à rendre plus souple l'investissement et encourager l'émergence de champions nationaux. L'expert Chems Eddine Chitour insiste, quant à lui, sur le rôle de la formation dans la réussite de la nouvelle politique économique, estimant que l'Algérie, qui comptait 500 étudiants à l'Indépendance, en compte 1,5 million aujourd'hui, mais sans que ce progrès soit synonyme d'une amélioration de la qualité de l'enseignement. «Il faut comprendre que l'énergie n'est plus prépondérante dans l'économie mondiale, c'est en revanche l'économie du savoir qui a pris la relève», a-t-il soutenu. Ces économistes avec Rafik Bouklia-Hacen et Abderrahmane Mebtoul proposent un plan d'action pour accompagner le nouveau modèle économique de croissance. Ils feront partie du Conseil scientifique qui aura pour mission d'analyser et d'émettre des propositions concrètes aux institutions de l'Etat et aux opérateurs privés dans la perspective d'accompagner la nouvelle démarche de développement économique en Algérie. Ce plan d'action destiné à accompagner la mise en œuvre du nouveau modèle économique portera sur des démarches pratiques à même d'assurer le passage d'une industrie importatrice vers une industrie exportatrice, le développement des partenariats public-privé, la promotion des compétences industrielles ainsi que l'augmentation de l'attractivité du pays pour les capitaux étrangers.