Cliff Perkins est responsable du rayon des surgelés au supermarché de San Esteban, dans l'Etat de Californie. Cliff Perkins est malheureux. Depuis son divorce c'est sa femme, Ava, qui a la garde de leur petite fille de trois ans, Melanie. Cliff a pourtant un droit de visite et, tous les quinze jours, il se rend chez Ava pour récupérer la petite et passer la journée avec elle. Mais, chaque samedi, lorsqu'il arrive chez son ex-femme, Cliff se sent saisi par le stress. Ava, qui n'est âgée que de vingt-et-un ans, n'a pas perdu de temps pour refaire sa vie. A présent elle est devenue Mme O'Maley. C'est pourquoi, à chaque visite, Cliff doit affronter M. O'Maley, Brandon de son prénom. C'est un freluquet qui va sur ses vingt-cinq ans. Conducteur de pelleteuse sur les chantiers de la région. Brandon O'Maley ne supporte pas la vue de Cliff Perkins et, à chaque visite, les propos aigres-doux fusent de part et d'autre. C'est la raison pour laquelle, dès que Cliff met sa voiture en marche pour aller voir Melanie, il se sent nerveux. — Dépêche-toi, Linda, on va encore être en retard et cette andouille d'O'Maley ne va pas manquer de le faire remarquer. À chaque fois que j'ai cinq minutes de retard, il me balance: «Décidément tu n'es pas pressé d'embrasser ta gamine» et ça a le don de me faire sortir de mes gonds. La jeune femme brune qui finit de s'habiller, Linda, est la nouvelle compagne de Cliff. Lui non plus n'a pas supporté longtemps la solitude après son divorce. Linda est une Américaine d'origine mexicaine, vive, rieuse, pas compliquée. Elle aussi travaille au même supermarché que Cliff, au rayon parfumerie. — Mais je suis prête. Maman demande si on dînera ici ce soir. — Oui, mais qu'ils ne nous attendent pas. On ne sait jamais... Effectivement on ne sait jamais ce qui peut arriver. Cliff et Linda démarrent dans la Chevrolet verte d'occasion de Cliff. Sur le seuil du pavillon, le père et la mère de Linda leur disent au revoir de la main. Et font des projets : — Ça serait tellement mieux si Cliff pouvait récupérer Melanie. D'après ce que j'ai compris, la mère est toujours fourrée dans les bars avec son nouveau mari. La gamine est sans arrêt confiée à des babysitters. Linda la considérerait comme sa fille, elle me l'a encore dit ce matin. Le père est plus songeur : — Il faudrait d'abord que Cliff et Linda soient mariés. Encore quelques semaines et on verra. Ce soir-là, la señora Mendoza, la mère de Linda, a mis le couvert pour sa fille et son futur gendre, mais ils ne reviennent pas diner. Le dimanche s'écoule, morne. Les Mendoza ont du mal à regarder la télévision, une sourde inquiétude les ronge : — C'est quand même bizarre qu'ils ne donnent pas de nouvelles. — Margarita, tu te fais trop de mauvais sang. Cliff et Linda sont jeunes. Après avoir vu Melanie, Ils auront sans doute poussé jusqu'à la frontière pour passer le dimanche au Mexique. — Ils auraient pu au moins téléphoner. Mais le téléphone reste muet, à part les appels des frères et sœurs de Linda qui, inquiets eux aussi, viennent aux nouvelles. A suivre